On peut y voir un ring, une arène ou une aire sacralisée au sein de laquelle se déroulent les battles de hip-hop. Mais dans ce solo, la danseuse Janice Bieleu, jogging et tee-shirt à l’effigie de héros de manga, n’a rendez-vous qu’avec elle-même. Installés sur des gradins qui délimitent cet espace comme un cocon protecteur, le public assiste à une métamorphose, un changement brusque qui se déroule sous ses yeux. Celui du passage à l’âge adulte rempli d’obstacles et de renoncements.
Témoignages d’adolescence enfermée
Cette pièce est née d’un projet de la chorégraphe Sylvie Balestra avec des jeunes en milieu fermé et le recueil de témoignages d’adolescents. Durant près d’une heure, elle met en scène son interprète luttant contre des tensions contradictoires. Être tiraillée entre volonté de puissance et inclinaison vers une fragilité. Oser tomber le masque, l’armure, se dépouiller progressivement des vêtements un peu trop larges qui cachent le corps pour laisser se dessiner les contours d’une féminité. Lâcher le ballon de football fédérateur pour accéder à une autre façon d’être au monde.
À la fois bouleversement psychique et corporel, l’adolescence constitue une expérience intéressante à défricher d’un point de vue chorégraphique. Françoise Dolto avait parlé « du complexe du homard » pour bien décrire cette période où l’adolescent perd sa première carapace et n’a pas encore construit la sienne en tant qu’adulte. Sylvie Balestra se fait écho de cette transformation à sa manière.
Un solo pour une amazone d’aujourd’hui
Parée d’un vêtement évoquant les protections des footballeurs américains, une épaulière customisée qui rappelle également les gladiateurs romains ou les amazones, Janice Bieleu semble invincible. Pas de doute, cette héroïne est une guerrière. Elle est là pour en découdre, mais contre qui ? Contre ce monde adulte dont elle veut se protéger, mais qu’elle aspire à rejoindre.
À la Briqueterie, durant cette séance destinée à des collégiens, les gloussements un peu gênés se sont finalement tus, écrasés par la puissance de la proposition. Dans ce travail solitaire qu’est le solo, cette interprète (à suivre) apparait comme actrice et spectatrice d’elle-même, exploratrice et créatrice d’un nouveau matériau chorégraphique qu’elle hybride à partir des danses urbaines dont elle est issue et d’une gestuelle plus contemporaine. Rites de passage parle aussi bien aux adolescents qu’aux adultes qui l’ont été dans ce dialogue puissant de soi à soi qu’il fait jaillir autour de cette période fondatrice.
Claudine Colozzi
Rites de passage de Sylvie Balestra
Vu le 19 novembre 2024 à la Briqueterie-CDCN du Val de Marne dans le cadre du festival Playground et du programme Moving borders.
Durée : 55 mn
En tournée
8 janvier 2025 au Théâtre d’Angoulême, Scène Nationale
16 janvier 2025 à Points Communs, scène nationale de Cergy
30 janvier 2025 au Théâtre du Cloître, scène conventionnée de Bellac
6 février 2025 au champ de Foire – Saint-André-de-Cubzac dans le cadre du Festival POUCE ! – La Manufacture CDCN Bordeaux / La Rochelle (33)
11 février 2025 au Château d’Oléron dans le cadre du Festival POUCE ! – La Manufacture CDCN Bordeaux / La Rochelle
28 mars 2025 au Théâtre l’Aire Libre – Saint-Jacques-de-la-Lande
Chorégraphie de Sylvie Balestra
Avec Janice Bieleu
Création lumière d’Yvan Labasse
Création costumes d’Aude Desigaux
Collaboration à la mise en scène – Cyrielle Bloy
Répétitrice – Garance Bréhaudat
Artiste Sonore – Simone Aubert