Dans l’Italie de la Renaissance, Bianca (Laure Calamy), jeune fille de bonne famille, est sur le point de se marier. L’excitation est à son comble. Seul bémol, elle ne peut voir son futur époux avant la noce. Pour cette ingénue romantique, c’est un vrai problème. Comment savoir s’il va lui plaire et si l’amour sera au rendez-vous ? Heureusement pour elle, sa tante (Samira Sedira) est pleine de ressources. Un secret de famille qui se transmet de fille en fille et d’une génération à l’autre va lui permettre de découvrir la vie et surtout de rencontrer son fiancé dans son élément naturel, forcément très masculin.
Dans un tiroir bien rangé de la demeure familiale, une peau d’homme permet à celle qui s’en revêt de changer de sexe. L’occasion pour la jeune femme, affublée de tous les attraits de la virilité, de voir le monde autrement. L’expérience va dépasser ses plus folles attentes. Le beau Giovanni (Valentin Rolland) va se révéler très différent de ce qu’elle avait imaginé. La passion sera peut-être au rendez-vous, mais pas forcément comme elle l’avait envisagée…
Un pénis et des paillettes
Adapter au théâtre la bande dessinée d’Hubert et Zanzim, qui s’est vendue à plus de 220 000 exemplaires depuis sa parution aux éditions Glénat, en 2020, est clairement un pari audacieux. Avec panache et beaucoup d’ingéniosité, Léna Breban relève haut la main le défi. N’hésitant pas à multiplier les effets scéniques, elle imagine une comédie musicale pétillante et survoltée. En confiant à Ben Mazué les chansons et à Leïla Ka les chorégraphies, la metteuse en scène ne fait pas les choses à moitié.
Tirant tous azimuts, maniant habilement humour potache, cabaret queer et tendre bluette, elle transforme le conte fantastique en comédie musicale follement décalée. Si en surface le ton est léger, le propos de la fable s’avère plus profond. Questionnant nos sociétés en plein repli sur elles-mêmes, elle dénonce le patriarcat crasse et réactionnaire qui régit les rapports humains. Ainsi, être femme ou gay dans un monde où un petit curé obséquieux, moraliste et faux dévot a décidé de mettre à sa botte toute une cité, n’est clairement pas le pied.
Toute ressemblance avec les États-Unis, tels qu’ils sont en train d’être remodelés par la politique de Donald Trump est évidemment fortuite. Pourtant, le parallèle est flagrant. En refusant de laisser chacun vivre comme il l’entend, l’étau des libertés se resserre et fait naître un vent de révolte que rien ne peut arrêter.
Un show débridé
S’attachant à respecter le ton cartoonesque de l’œuvre originelle, Léna Breban fait feu de tout bois et s’amuse même à forcer le trait. Laure Calamy, qui endosse cette peau d’homme, n’est pas en reste. Rencontrées sur les bancs du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique, les deux amies se connaissent bien. Chacune s’appuyant sur le talent de l’autre pour que la fête soit encore plus folle. Cabotinant à souhait, la comédienne fait un retour fracassant sur scène et ne boude pas son plaisir – son sourire en dit long – à en faire des tonnes pour le plaisir d’un public sous le charme.
Dans son sillage, toute la troupe se met au diapason. Valentin Rolland est parfait en amoureux de la gaudriole entre hommes. Régis Vallée extraordinaire en reine de la nuit. Emmanuelle Rivière excellente en mère dépassée. Vincent Vanhée, épatant en religieux zélé. Samira Sedira lumineuse en tante foldingue. Aurore Streich, explosive en amie délurée, et Adrien Urso, détonnant en bigote surinvestie.
Sur-vitaminé, extravagant, trivial et totalement barré, Peau d’homme a les qualités de ses défauts. Tout n’est pas parfait, mais l’essentiel est là. Jamais moralisateur, ce spectacle mené tambour battant pendant près de deux heures est une ode à la vie, à la joie et à la liberté. Un hymne féminin et queer à savourer sans se prendre la tête !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Peau d’homme d’après l’ouvrage d’Hubert & Zanzim, publié aux Editions Glénat
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaité
75014
Paris
à partir du 23 janvier 2025
durée 2h environ
Avec Laure Calamy, Emmanuelle Rivière, Valentin Rolland, Samira Sedira, Clément Simounet, Aurore Streich, Adrien Urso, Regis Vallée et Vincent Vanhée
Adaptation & mise en scène de Léna Breban
Chansons de Ben Mazué
Chorégraphie de Leïla Ka
Assistante à la mise en scène – Ambre Reynaud
Supervision musicale – Fabrice Martinez
Direction vocale – Camille Favre-Bulle & Vincent Heden
Création sonore de Raphaël Aucler & Victor Belin
Scénographie Juliette Azzopardi & Jean-Benoît Thibaud
Costumes d’Alice Touvet assistée de Sonia Bosc & Peggy Sturm
Lumières de Denis Koransky
Perruques de Julie Poulain