La fileuse de nuit d'Elsa Rozenknop © Florent Drillon
© Florent Drillon

La Fileuse de nuit d’Elsa Rozenknop : voyage labyrinthique en terre mémorielle

Tirant les fils entrecroisés de son histoire familiale, l’autrice et comédienne, dirigée par Guillaume Ravoire, panse au théâtre La Flèche les fêlures de sa psyché à travers un récit pluriel et kaléidoscopique.

La scène est plongée dans la pénombre. Au fond, côté cour, une jeune femme est accroupie. Son regard bleu azur semble hagard. Main tendue vers une silhouette invisible, elle invite le spectateur à la suivre dans les méandres de ses pensées, au cœur même des ramifications de son histoire familiale quelque peu complexe.

La fileuse de nuit d'Elsa Rozenknop © Florent Drillon
© Florent Drillon

D’acrostiches en mots en laisse, Elsa Rozenknop esquisse par fragments des vies traversées par des drames et dessine des destins bien singuliers. Tout d’abord, Il y a ce petit garçon de quatre ans enfermé dans un grenier, puis cette fileuse qui coud des corps de femmes, cette mère dont l’enfant est mort-né, cette autre qui n’a eu d’autres choix, sous la pression paternelle, que d’abandonner le fruit de ses entrailles… leur lien, une histoire de sang. 

Mais d’où viennent toutes ces tragédies en cascade qui leur collent à la peau ?  D’un mal originel. L’arrière-grand-père peut-être. Plongeant non dans sa propre mémoire, mais dans celle de ses ancêtres, l’autrice et comédienne brouille les pistes et multiplie les entrées pour mieux nous perdre et se retrouver. Les saynètes s’enchainent avec comme seul lieu de repli, une grotte bleue avec plusieurs portes dont chacune renferme autant de vérités que de secrets. 

La fileuse de nuit d'Elsa Rozenknop © Florent Drillon
© Florent Drillon

Récit loufoque ou vraie quête de soi, Elsa Rozenknop ne tranche pas, bien au contraire. Elle joue de cette ambiguïté pour mener le spectateur au bord d’un précipice. En effet, que faire de son héritage familial et de ses non-dits qui viennent peser lourdement sur nos destinées ? S’en foutre en espérant que cela ne nous atteigne pas ou l’affronter pour s’en libérer. 

Clairement, c’est la deuxième solution qui anime la comédienne. Plus attirée par la lumière que par la noirceur, elle tente de réparer les blessures du passé, d’en faire des forces plus que des faiblesses. Bien que la Shoah soit présente en filigrane, elle se sert du conte de Barbe Bleue pour raconter son histoire. Ainsi, la tragédie file à vive allure, les plaies se referment ne laissant que des petites cicatrices. 

En donnant corps à ce récit kaléidoscopique un brin décousu, Guillaume Ravoire joue sur différents registres, multiplie les formes et offre à la comédienne une ample palette de jeu. Tour à tour, tragique, comique ou habitée, elle illumine le plateau. Ne cherchant ni la larme, ni le rire, elle fait de sa vie une fable labyrinthique joliment troussée ! 


La fileuse de nuit d’Elsa Rozenknop
Théâtre La Flèche
77 rue de Charonne
75012 Paris

Du 8 janvier au 12 mars 2025
tous les mercredis à 19h

Durée 1h05

Mise en scène de Guillaume Ravoire
Avec Elsa Rozenknop

Lumières & scénographie de Romain Mazaleyras
Costumes d’Adeline Chagneau
Son de Steven Barret
Musique de Paul-Marie Barbier

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