Petite silhouette, un accent léger, un petit nez rose sur un visage fardé, un mini-violon, un air de gosse paumé, voici Buffo le clown céleste. C’est ainsi que le psychologue Howard Buten s’est fait connaître sous des apparats clownesques pour explorer avec une grande poésie ce monde interdit aux Enfants qui ne viennent pas d’une autre planète, mais qui ne rentrent pas dans le moule.
« Pourquoi le fou a-t-il jeté sa montre par la fenêtre ? Parce qu’il voulait voir s’envoler les minutes. »
C’est au Ranelagh, sous la direction de Madonna Bouglione où les clowns étaient rois, que j’ai vu pour la première fois un spectacle de Buffo. La dyslexique que je suis s’est retrouvée toute à son aise dans son univers pas si bancal que cela. Il avait l’art et la manière d’aborder les choses qui correspondaient à ce petit dysfonctionnement qui troublait ma vision des choses. C’était aussi réjouissant que troublant.
Plus tard, j’ai découvert que derrière le masque enfantin et délicat de Buffo se cachait Howard Buten, l’auteur de Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué, un des tout premiers ouvrages à aborder l’autisme. Nous sommes dans les années 1990 et l’autisme est un grand inconnu. Il va alors ouvrir une porte, la meilleure, celle de la compréhension.
« Être différent, c’est pas forcément être malheureux. »
Issu d’une famille qui a fui à la fin du XIXe siècle la Lituanie et les pogromes, Howard Buten est né à Détroit en 1950. Son père est avocat. Sa mère est une ancienne artiste de music-hall qui lui apprendra les claquettes. Il a 20 ans dans les années 1970, période de tous les possibles. D’un côté, il suit les cours de clown chez Barnum et Bailey, de l’autre, il suit des cours de psychologique à la fac. Il se spécialise sur l’autisme, alors un « trouble » méconnu après sa rencontre avec un gamin « pas comme les autres ». De ces deux parties de lui, l’artistique et le scientifique, il va construire quelque chose d’admirable qui, à jamais, changera notre vision du monde.
Comme il le raconte dans Monsieur Butterfly, il s’est senti, toute sa vie, différent des autres et inadapté aux règles de la société. C’est pour cela qu’il a choisi d’être clown. Attention, pas au sens de pitre. Il était un Auguste au cœur fragile qui bat au rythme de la tendresse et du rire. Durant des années, il a perfectionné son spectacle à l’infini. En 1998, il fut récompensé par le Molière du meilleur seul en scène. Timide, effacé, il était un clown céleste qui nous a fait toucher les étoiles. Adieu Monsieur et merci.