Comment la danse est-elle entrée dans votre vie ?
François Mauduit : Je pense, que l’un de mes premiers souvenirs de danse est un gala de fin d’année auquel participait ma grande sœur. J’étais encore petit, je devais avoir trois ans, mais j’ai des impressions très claires qui me reviennent. J’ai tout de suite été fasciné par la musique, le mouvement, les lumières sur scène et bien évidemment, l’ambiance du théâtre et l’effervescence qui y régnaient. Dès ce moment, l’envie de suivre les pas de mon ainée ne m’a plus quitté. Le désir de fouler, comme elle, les planches, et de me laisser porter par la musique, étaient ancrés en moi. Au début, c’était quelque chose de très intime. Dès que je le pouvais, le soir, dans ma chambre, je mettais de la musique, je dansais et je montais des mini-spectacles. J’ai mis du temps à formaliser cette envie, à franchir le pas pour dépasser le cadre confidentiel.
Qu’est-ce qui vous a fasciné dans la danse ?
François Mauduit : Je dirais sans trop hésiter que c’est tout d’abord le rapport à la musique classique. J’ai un faible pour les grands morceaux du répertoire. Puis très vite, devant mon intérêt pour la danse et la musique, mes parents m’ont acheté des vidéos – des VHS à l’époque – de ballets classiques. C’est comme cela que j’ai découvert le Don Quixote de Mikhaïl Barychnikov d’après les chorégraphies de Marius Petipa et d’Alexander Gorsky et différentes versions de Paquita. Je me suis ainsi nourri de cet art à partir de partitions très classiques, d’où mon intérêt pour cette discipline et mon envie d’apprendre. Dans mon esprit, danse et musique ont, depuis cette époque, toujours fait un tout indissociable. Par conséquent, quand en quatrième, ma professeure de gymnastique m’a conseillé de m’essayer à la danse, je n’ai pas hésité. C’est comme cela que j’ai commencé à me former. J’ai d’abord pratiqué la danse moderne, car comme j’étais un garçon, j’avais beaucoup d’a priori, et donc de réticence à m’inscrire en classique. Puis très vite, on m’a orienté vers cet art que finalement, j’appelais de tous mes vœux.
En quelques mots, votre parcours ?
François Mauduit : Il est assez classique. Je suis d’abord passé par le Conservatoire supérieur de Paris, avant d’entrer à l’École de l’Opéra de Paris. Après ma formation, j’ai intégré la compagnie de danse Maurice Béjart. J’y suis resté quatre ans. Puis j’ai décidé de voler de mes propres ailes et de créer ma propre compagnie.
Que retenez-vous de votre rencontre avec Maurice Béjart ?
François Mauduit : Clairement, elle était fondatrice. En tant que danseur, cela m’a permis d’affiner ma technique, de m’affirmer. Je n’étais pas soliste, j’étais dans le corps de ballet, mais c’était tellement stimulant. Découvrir cette compagnie a été très formateur. Puis, comme j’ai toujours eu le secret désir de devenir chorégraphe, voir Maurice Béjart travailler, c’était tout simplement incroyable et très formateur. Cela a été comme un rêve éveillé, comme si tout ce que j’imaginais enfant devenait réalité. Durant les quatre ans que je suis resté à Lausanne, je n’ai malheureusement pas pu faire le tour de Maurice, mais du moins, il m’aura mis le pied à l’étrier, m’aura motivé et armé pour la suite de ma carrière.
Justement, qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir chorégraphe ?
François Mauduit : Le désir profond de monter mes propres spectacles, de m’exprimer, d’écrire. Après, je me rends compte avec le recul que cette envie s’est affinée avec le temps. Quand j’étais petit, j’avais une image totalement faussée du métier de chorégraphe, de raconter des histoires. Mais je crois sincèrement que ce goût pour la danse est né précisément de ce décalage avec la réalité. J’ai reporté sur la pratique de cet art tout ce que je fantasmais sur ce métier. Quoi qu’il en soit, je crois que derrière cette appétence, il y a tout simplement le besoin d’imaginer des récits, des contes, des fictions.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
François Mauduit : Parfois, c’est la musique, d’autres fois, c’est un sujet, un personnage, une thématique qui fait écho avec les danseurs et danseuses de la compagnie. Dans tous les cas, j’ai besoin d’être transporté, envahi, de pouvoir me dire que j’ai quelque chose à exprimer à cet endroit précis. Ensuite, il faut être pragmatique. En tant que directeur de compagnie, je dois penser saison, tournées, etc. Il est donc important d’imaginer ce qui peut captiver le public et les programmateurs. Comme je fonctionne à l’instinct, il faut que, quel que soit le sujet qui me trotte dans la tête, les impressions, les images qui me hantent et m’habitent doivent exister. L’idée première doit être quasi immédiate, comme un coup d’électricité, et après, je prends le temps de construire le propos. Je n’ai pas de thématiques particulières, mais j’ai un faible pour les personnages complexes.
Dans la musique, qu’est-ce qui vous touche ?
François Mauduit : Une intention, un mouvement. Je suis très éclectique dans mes goûts, même si le classique a une place à part dans mon cœur. Comme tout le monde, j’ai des compositeurs qui me touchent plus que d’autres. Mais ce qui est important pour moi et dans mon travail, ce n’est pas tant ce que j’aime, mais plutôt comment tel ou tel morceau va être au service de l’histoire que je veux raconter. Si je pense que telle ou telle musique est cohérente avec le récit que je porte au plateau, alors je me laisse aller et cela m’aide d’ailleurs dans mon écriture chorégraphique.
Comment est né le spectacle autour du personnage d’Audrey Hepburn ?
François Mauduit : D’un solo que j’ai créé pour une de mes danseuses. Elle était en robe noire, et j’ai eu de nombreux retours me disant qu’elle ressemblait énormément à Audrey Hepburn. Je n’avais pas fait le rapprochement, mais l’évidence m’a ensuite sauté aux yeux. J’ai donc commencé à m’intéresser à l’histoire et au parcours de cette artiste. C’est comme cela que j’ai découvert qu’elle voulait dans sa jeunesse être ballerine. Cela a été le point départ de mon désir d’écrire un ballet autour de sa vie, d’autant plus que les années 1950-1960, où elle est devenue une star hollywoodienne, est une période que j’apprécie tout particulièrement. C’est l’âge d’or des comédies musicales. Tout s’est ensuite construit au fur et à mesure comme un puzzle. L’objectif n’était pas de faire un biopic, mais plutôt une évocation.
Qui joue Audrey Hepburn au plateau ?
François Mauduit : Il y a trois Audrey sur scène, chacune correspondant à une période différente de sa vie. Mais celle qui lui ressemble le plus est évidemment celle qui sert de fil conducteur au spectacle.
Quelles musiques avez-vous utilisées ?
François Mauduit : Il y a beaucoup de styles différents ; j’ai essayé de trouver des musiques très cohérentes, qui parlent tout de suite au public, parce qu’on traite vraiment de toutes les étapes de sa vie. C’est d’autant plus important que je n’ai pas souhaité quelque chose de linéaire ou de chronologique, mais plutôt de construire ce spectacle sous forme de flashbacks. Il fallait donc des morceaux identifiables. Cela va donc de partitions très classiques, très symphoniques, à des morceaux plus swing. On peut donc entendre du Gershwin, du Bernstein, mais aussi des musiques populaires des années 1950 et 1960, comme une chanson d’Édith Piaf et une de Léo Ferré. Tout cela donne à voir les différentes facettes d’Audrey Hepburn.
Comment traduit-on une vie, une histoire par la danse ?
François Mauduit : c’est tout ce travail qui m’intéresse. Comme je ne voulais pas que l’on commence par sa naissance et que l’on finisse par sa mort, j’ai imaginé un récit chorégraphique très cinématographique. J’ai notamment beaucoup joué avec les musiques, les costumes, les décors pour créer des atmosphères. J’ai imaginé des lignes, des gestes, ensuite, c’est à l’interprète d’impulser dans telle arabesque une émotion, que ce soit la joie ou la mélancolie. Je donne des pistes à mes danseurs et mes danseuses, mais ce sont eux qui incarnent, qui donnent le petit supplément d’âme à tel ou tel geste. Ensuite, c’est tout un travail de mise en scène. Le spectacle se situe entre théâtre et danse. Il bouge sans cesse. La base est là, mais on adapte la pièce à chaque lieu. C’est le principe de l’art vivant d’être toujours en mouvement.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Dans les yeux d’Audrey de François Mauduit
Biopic Librement Dansé Inspiré de la vie d’Audrey Hepburn
Le Corum-Opéra Berlioz
440 Esplanade Charles de Gaulle
34000 Montpellier
25 janvier 2025
Durée 2h15
Tournée
7 mars 2025 au Théâtre Le Forum, Fréjus
11 mars 2025 à Altigone, Saint-Orens
14 mai 2025 au Quai d’Ill, Sélestat
20 janvier 2026 au Théâtre Fémina, Bordeaux
chorégraphie et mise en scène de François Mauduit
biographe – Caroline Ami
décors de Luc Ledieu
costumes de Marie Maret
lumières d’Anthony Le Fur & Marion Pageaud
Solistes – Haruga Ariga, Lorenzo Bernardi, Francesco Cafforio, Paul Delanoë, Louise Djabri, Nicola Lazzaro, Géraldine Lucas, Shiori Matsushima, Capucine Ogonowski, Vittoria Pellegrino, Nelly Soulages
Musique enregistrée – Henri Mancini, Leonard Bernstein, Edvard Grieg, Georges Auric, Maurice Ravel, Jean Sibelius, Franz Schubert, Dmitri Chostakovitch, Léo Ferré, Henri Contet, Joseph Kosma, Leroy Anderson, George Gerschwin…