S’asseoir dans les gradins au milieu de collégiens et de lycéens constitue toujours une expérience intéressante. Percevoir leur attente un peu confuse, leur manque de concentration, leurs réactions intempestives et finalement les sentir se laisser happer par ce qui se joue au plateau. Comment résister à la puissance fédératrice de la musique de Frédéric Chopin ? Elle vous cueille dès les premières notes tout comme les interprètes par leur présence saisissante au plateau.
Est-ce parce qu’elle a connu une première vie que CHoPin de Christine Hassid apparaît d’emblée si solide ? Créée en 2019 pour la compagnie nationale de danse contemporaine d’Ekaterinburg, elle s’intitulait Chopin-Carte blanche et a beaucoup tourné en Russie et en Ukraine. Mais le Covid, puis le contexte politique ont mis un coup d’arrêt à cette belle aventure artistique couronnée par deux nominations aux Golden Mask Awards, récompenses célébrant les arts vivants en Russie.
Des corps vecteurs d’émotions
Les cinq interprètes de cette reprise redonnent vie à ce dialogue fécond avec la profondeur de la musique de Chopin. Leurs corps se font caisses de résonance des tourments du monde. Vecteurs d’émotions, ils entament un échange fructueux avec cette musique traversée de mille nuances. C’est la vie qui explose dans ces corps portés par ces morceaux de bravoure musicaux, dans ces silences qui s’invitent, dans ces gestes parfois retenus et dans ces mots semés au vent de la liberté.
Nourrie de différentes influences dont l’énergie vitale de la Batsheva où Christine Hassid a été interprète, sa danse se caractérise par une virtuosité vibrante. Puissance, rapidité, complexité des enchaînements, son écriture ciselée se révèle pleine de surprises. De temps à autre, la mélancolie cède même la place à une douce ironie.
Mais c’est surtout cette belle interaction à la musique, primordiale dans le travail de Christine Hassid, qui donne son aspérité au mouvement. Des trajectoires corporelles inédites surgissent et habitent le plateau. CHoPin se vit comme un voyage traversé de départs et d’exil, d’espoir et de recommencements. La musique de Chopin pourrait écraser les interprètes, car il faut pouvoir se mesurer à cette intensité. Chacun se met à son service avec infiniment d’élégance.
Claudine Colozzi – envoyée spéciale à Limoges
CHoPin de Christine Hassid
Vu le 28 novembre 2024 à l’Opéra de Limoges – Maison des Arts et de la Danse (MAD). Pièce créée en septembre 2024 au festival Le Temps d’aimer la danse à Biarritz
Durée : 65 mn
En tournée
Le 13 mars au centre culturel Le Plateau – Théâtre Jean Vilar à Eysines
Chorégraphie de Christine Hassid
Avec Danaë Suteau, Elisa Manke, Baptiste Martinez, Arthur Delorme, Pasquale Mazzella
Dramaturgie de Bertha Bermudez
Création lumière, régie générale d’Arthur Camelio
Régie plateau – Robin Guedes