© Virginie Meigné

Avec Sensuelle, Jean-Christophe Folly mêle intime et social

Au Théâtre National Populaire, l’auteur, comédien et metteur en scène présente sa dernière pièce créée en 2023 à la Comédie de Caen.

Sensuelle, c’est le surnom de cette femme soixantenaire à qui la vie échappe peu à peu. C’est aussi le titre de cette création de Jean-Christophe Folly, un prétexte à la réunion de trois personnages ordinaires au cours d’une soirée quelconque. Dans sa maison de campagne, Maryse (alias Sensuelle) reçoit sa fille Branche, venue lui présenter son compagnon Charles-Etienne. Jusque-là, rien d’exceptionnel, mais les réjouissances ne font que commencer, les esprits sont encore méfiants et les paroles retenues. Au gré du développement de sa pièce, le metteur en scène entend bien faire sauter, les unes après les autres, les limites acceptables de la bienséance.

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Comme ses personnages le font en société dans leur quotidien, l’écriture de Jean-Christophe Folly passe par de multiples chemins détournés. Ici rien ne se dit ni ne se fait frontalement, à moins d’y être aidé – par l’alcool notamment. Sans cela, la meilleure réponse semble être la fuite, à défaut d’indifférence. Pourtant tous les trois ont visiblement des choses à dire, des aveux à faire. Maryse se transforme en statue muette quand il s’agit de parler du père de sa fille, sans compter qu’elle a tué un homme qui a osé lui dire qu’elle n’était plus sensuelle. Branche a bien des traumatismes liés à son enfance et aux rapports avec sa mère qui ont en partie déterminé la femme qu’elle est devenue. Quant à Charles-Etienne, son origine poitevine n’efface ni sa couleur de peau ni sa prétendue laideur, dont il ne parvient pas à se défaire malgré les efforts déployés.

En somme, Sensuelle se situe au carrefour de ces trois destins pour le moins ordinaires. C’est en les réunissant à huis-clos, dans un espace qui, lui, va à l’essentiel, que Jean-Christophe Folly choisit de révéler ce que cachent les masques. Car au plateau, le metteur en scène ne dissimule rien. Dans la scénographie qu’il cosigne avec Marie Hardy, chaque pièce de la maison est symbolisée par quelques éléments de décor et une ampoule à nu. Les murs qui donnent sur l’extérieur sont en revanche faits de dizaines de paires de chaussures. Certaines, élégantes, rappellent à Maryse une époque à laquelle personne ne doutait de sa sensualité. D’autres, plus confortables, pourraient bien lui permettre de partir en cavale pour ne pas être arrêtée par la police.

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Et pour cause, la soirée se déroule dans l’attente de l’arrivée des inspecteurs, convaincus de la culpabilité de Sensuelle dans le meurtre d’un jeune homme. Mais bien que cette intrigue s’impose dès l’ouverture de la pièce, celle-ci passe rapidement au dernier plan, devenant surtout prétexte au développement approfondi de chaque personnage dans son rapport à lui-même. Il en va de même pour la question de la sensualité perdue, de la laideur qu’on enlèverait comme un vêtement ou de l’alcool qui devrait être féminin pour sa douceur et son réconfort. Enchaînant les situations comme des saynètes séparées d’extraits de musique pop et de variétés, Jean-Christophe Folly propose une création morcelée dans laquelle l’essentiel se perd au milieu de l’accessoire.

Dans cette fuite permanente qui entremêle réalité et dramaturgie, l’auteur et metteur en scène trouve cependant des espaces de justesse. Ceux-ci se révèlent d’eux-mêmes à la faveur des tirades généreuses et intenses qui permettent à chacun des personnages de se livrer intimement. Dans ces instants, William Edimo, Emmanuelle Ramu et Juliette Savary deviennent magnétiques et font enfin tomber les cloisons de ce salon qui les étouffait jusqu’alors.


Sensuelle de Jean-Christophe Folly
Théâtre National Populaire
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne cedex
Du 28 janvier au 7 février 2025
Durée 2h

Avec William Edimo, Emmanuelle Ramu, Juliette Savary
Assistanat à la mise en scène – Nanténé Traoré
Scénographie de Jean-Christophe Folly et Marie Hardy
Musique de Tatum Gallinesqui
Décor :d’Eclectik Scéno
Regard sur les costumes – Siegrid Petit-Imbert
Régie générale et lumière – Marie Hardy
Régie plateau – Naoual El Fannane

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