Ariane Ascaride © Marthe Lemelle
Ariane Ascaride © Marthe Lemelle

Ariane Ascaride  : « Comédienne, je ne peux pas faire autre chose »

Dans le cadre de la carte blanche que lui a offert La Scala-Paris pour quatre spectacles, la comédienne habite le lieu de mots, de poésie et de chants. L’occasion d’une balade au cœur de ses jardins secrets. 

Ariane Ascaride : Un peu comme ça. D’une envie commune. Cela fait pas mal de temps que je collabore avec Frédéric Biessy. Différents projets ont vu le jour à la Scala. Lors d’une conversation à bâtons rompus, il m’a tout simplement proposé de venir habiter les lieux pendant une saison. L’idée m’a séduite. Sans trop réfléchir, j’ai dit oui. C’était l’occasion de mettre tout que nous avions faite ensemble. 

Touchée par les fées de Marie Desplechin © Louie Salto
Touchée par les fées de Marie Desplechin © Louie Salto

Ariane Ascaride : Pour une comédienne, c’est un peu le rêve. Si cela ne tenait qu’à moi, j’habiterais un théâtre tous les jours et La Scala d’autant plus. J’ai suivi les transformations du lieu au moment où Mélanie et Frédéric ont décidé de l’acheter jusqu’à sa réhabilitation. J’ai visité le chantier quand les pigeons volaient encore à l’intérieur de l’édifice. Je trouvais fou de faire sortir un théâtre de terre, d’ouvrir un lieu de culture dans les circonstances actuelles. L’aventure me paraissait tellement belle. 

Ariane Ascaride : Très amicale. 

Ariane Ascaride : Bien que je sois née à Marseille, cela fait plus de quarante ans que j’habite Paris. J’aime son côté cosmopolite, même si je trouve qu’elle a quelque peu changé ces derniers temps. Elle a un peu perdu de son humanité, même si elle reste la plus belle ville du monde. L’idée du spectacle est venue pendant le deuxième confinement. Paris était étrangement vide. Les cafés, les magasins pour la plupart étaient fermés. Le couvre-feu imposait un rythme de vie très étrange. C’était très pesant. La vie citadine, le bruit des gens me manquaient. J’ai eu envie d’évoquer Paris telle que je la rêvais, la fantasmais, et qu’elle vivait dans mes souvenirs. J’ai aussitôt proposé le projet à des amies, des comédiennes avec qui j’avais envie de travailler. 

Ariane Ascaride : Elle se compose au gré des mots de Victor Hugo, d’Elsa Triolet, de Claudel, de Nancy Huston ou de Louise Michel et d’intermèdes musicaux. C’est comme un petit oratorio qui évoque un Paris aux mille couleurs. La ville a inspiré tellement d’auteurs tant elle est multiple, élégante et populaire. On aime se promener dans ses rues, ses parcs, se balader au Père Lachaise ou sur les bords de Seine. C’est ce que j’avais envie de partager avec cet impromptu musical. 

Ariane Ascaride : J’ai été élevée avec la musique et elle fait partie de ma vie. En cela, je ne suis absolument pas originale. Dans le cadre des spectacles sur Brecht et de Paris, j’avais très envie qu’elle soit présente et jouée en direct.

Touchée par les fées de Marie Desplechin © Louie Salto
Touchée par les fées de Marie Desplechin © Louie Salto

Ariane Ascaride : L’idée n’était pas tant de raconter Ariane Ascaride, mais plutôt d’évoquer les gens comme moi qui sont un peu à côté de la plaque. Le spectacle évoque des expériences que j’ai vécues, mais qui sont finalement assez universelles. J’y parle de manière décalée de mon métier, qui est essentiel pour moi, car je serais bien incapable d’être autre chose que comédienne. L’histoire commence quand je suis enfant et suit le chemin de mes souvenirs. Ce qui m’intéressait surtout, c’est que quelqu’un d’autre que moi s’en empare. J’ai donc proposé à Marie Desplechin d’écrire le texte et à Thierry Thieû Niang de nous rejoindre sur le projet. 

Ariane Ascaride : Le spectacle commence par mon oraison funèbre. Tout simplement parce que je préfère la faire moi-même plutôt que de laisser à d’autres le soin de me raconter. Ensuite, cette idée vient d’un petit spectacle que j’ai créé à la demande de la SACD dans le cadre de Vive le sujet au Festival d’Avignon. Quand vous acceptez de participer à cette aventure, on vous demande de faire quelque chose que vous n’avez jamais fait. Donc à part voler, je ne voyais pas trop ce que je pouvais proposer d’autre. C’est ainsi que je suis partie de l’idée que j’étais la fille de Peter Pan. Nous avons commencé avec Marie Desplechin à broder un récit entremêlant réel et fictionnel. Cette première version a servi de base au spectacle que l’on peut découvrir en ce moment à la Scala. 

Ariane Ascaride : En 2004, j’ai eu la chance d’être présidente de la 26e édition du Festival International de Films de Femmes à Créteil. Marie faisait partie du jury. Mes filles avaient lu ses bouquins et aimaient beaucoup sa plume. C’est une vraie star dans le monde de la littérature jeunesse. On a commencé à discuter et rapidement, nous avons sympathisé. Et comme j’aime beaucoup la manière dont elle raconte le monde, je lui ai proposé d’écrire avec Robert Guédiguian le scénario du Voyage en Arménie. Nous sommes devenues amies. Et tout s’est enchaîné.

Ariane Ascaride : C’est tout simplement que je ne peux pas faire autre chose. C’est plus vital qu’un simple plaisir. Il faut être un peu fou pour monter sur une scène pour que des gens viennent vous regarder. Mais il n’y a rien qui me touche et me bouleverse plus que cela. C’est ma manière d’appréhender le monde. Pourtant, je n’ai aucune volonté de représentation. C’est finalement très contradictoire, presque schizophrénique. Mais j’ai besoin de raconter des histoires aux gens, de passer par le filtre du théâtre pour assumer de vivre la réalité du monde.

Touchée par les fées de Marie Desplechin © Louie Salto
Touchée par les fées de Marie Desplechin © Louie Salto

Ariane Ascaride : Oh oui ! Le théâtre, c’est du spectacle vivant, pas le cinéma. Je veux dire que quand un film, dans lequel j’ai tourné, passe sur les écrans, j’en suis loin. Quand je joue sur scène, je suis en direct avec les spectateurs. 

Ariane Ascaride : Oui, c’est fondamental. Il n’y a rien d’autre qui m’intéresse.

Ariane Ascaride : Ce n’est pas que sur scène, mais aussi quand j’achète mon pain, quand je fais mes courses. Ce n’est un secret pour personne que je suis engagée et féministe. Depuis que je suis petite, je me suis bien rendue compte qu’il y avait des différences flagrantes, que je n’avais pas les mêmes droits et la même manière d’appréhender le monde qu’un garçon. C’est quelque chose que je ne comprenais pas. C’est de ce constat qu’est né mon militantisme. La réalité est édifiante. Elle est construite pour et par les hommes depuis des siècles. Ils ne le savent pas d’ailleurs. Il y a des tas de choses qu’ils croient naturelles, normales, et qui ne le sont pas. Elles sont culturelles et elles sont le résultat d’un pouvoir masculin. Il faut donc détricoter tout cela et c’est cela que je veux défendre. Il faut être honnête, c’est fatiguant à la longue d’être toujours dans la revendication. Mais je suis ainsi. C’est comme cela que je me suis construite. 

Ariane Ascaride : Merci de me dire cela. J’ai mis longtemps pour arriver là. C’est très difficile d’abandonner ses acquis, de ne pas se servir de tout ce que l’on a appris, notamment au Conservatoire. Être virtuose, au bout d’un certain temps, ce n’est pas très difficile, tout bon comédien, bien formé et avec une bonne technique peut y parvenir, mais dépasser cela pour aller chercher une émotion au fond de son cœur, c’est plus difficile. Et c’est ce petit truc qui m’intéresse de partager avec les spectateurs pendant une ou deux heures. C’est fugace, mais intense.

Ariane Ascaride : Au théâtre, je présenterais ce spectacle à La Scala-Provence cet été dans le cadre du festival off d’Avignon. Puis je ferais une pause pour me ressourcer. C’est très prenant d’être sur scène. C’est une joie intense, mais on ne vit que « théâtre ». Dès cinq heures de l’après-midi, quand je joue, je m’installe dans ma loge. J’ai besoin de cela pour prendre le temps, de me mettre dans mon personnage. C’est quelque chose de sacré, car pour transcender la réalité, il faut un tout petit peu se concentrer. C’est pour moi absolument nécessaire ! 


Touchée par les fées de Marie Desplechin
La Scala-Paris

13, boulevard de Strasbourg
75010 Paris

du 4 février au 26 mars 2025
durée 1h

Avec Ariane Ascaride
Mise en scène et Chorégraphie de Thierry Thieû Niang

Paris retrouvée
Conception – Ariane Ascaride
La Scala-Paris
durée 1h

Avec Ariane Ascaride, Pauline Caupenne, Chloé Réjon, Océane Mozas, Délia Espinat-Dief et la chanteuse Annick Cisaruk
Accordéon David Venitucci

Bande-annonce de Touchée par les fées de Marie Desplechin © La Scala-Paris

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