Clashes Licking de Catol Teixeira © Mariano Silva
Clashes Licking de Catol Teixeira © Mariano Silva

À Nantes, Trajectoires fait bouger les lignes

Foisonnante et éclectique, cette édition 2025 a une nouvelle fois célébré le corps comme terrain de jeu, de résistance et de bouleversements.

Sur les gradins de la salle du Théâtre Universitaire de Nantes, des feuilles ont été déposées. On peut y lire : « Et si la culture, et le TU n’étaient pas subventionnés par des financements publics ? Vous auriez dû payer votre place 73,71 € pour le spectacle GIGI. » La démonstration a le mérite d’être éclairante par rapport au contexte de coupes budgétaires drastiques dans le domaine de la culture. Dans ce lieu implanté au cœur du campus nantais, avant de rentrer dans la salle, on a aussi pu voir que tous les spectacles étaient « au tarif super offert = 0€ » pour les étudiants de Nantes Université. Ils sont d’ailleurs nombreux ce vendredi soir à être venus découvrir les trois solos programmés.

Gigi de Joachim Maudet © Laurent Pailler
Gigi de Joachim Maudet © Laurent Pailler

Datant de 2021, GIGI de Joachim Maudet, dont on a suivi avec intérêt les créations suivantes est un exercice d’équilibriste sur le fil de l’émotion. Le danseur-chorégraphe accueille le public en bord de scène et commence de manière en apparence désinvolte en partageant ses interrogations. Comment façonner la proposition artistique qu’il est censé livrer ? De digression en digression, il se lance dans un effeuillage qui flirte avec une forme contemporaine de la chanson de geste sur le tube de Dalida. Et joignant son geste aux paroles, jette ainsi une improbable passerelle entre Joachim et Gigi.

Chaque élément anodin de sa tenue devient un accessoire de son singulier personnage, parfois à la lisière du ridicule auquel il donne vie sous nos yeux. Les chaussettes deviennent de longs gants, le t-shirt, une sorte de turban… Tout apparaît décousu alors que chaque geste est parfaitement millimétré, non pour incarner les paroles de la chanson, mais pour libérer cette fantaisie sous-jacente. C’est à une éclosion à laquelle on assiste aussi drôle qu’émouvante.

Découverte aux Hivernales, dans le cadre de la Sélection suisse en Avignon en 2023, Clashes Lickingde Catol Teixeira nous entraîne dans son univers singulier. Peut-être, nous a-t-il juste manqué un peu plus de proximité pour être parfaitement en symbiose avec cette proposition à la beauté fascinante. Mais on reste hypnotisé par cette hybridation sophistiquée de différents états de corps. La pièce questionne aussi bien les normes esthétiques que les souvenirs de son interprète liés à l’apprentissage de la danse classique.

Entre déambulation sur pointes et envol aérien, Catol Teixeira décrit un parcours d’émancipation qui passe par un rapport au corps débarrassé des assignations étouffantes. Cette exploration très personnelle, dont le point de départ est une revisite de l’Après-midi d’un faune de Nijinski, fait voler en éclats bon nombre de certitudes et entraîne plus loin qu’on aurait pu l’imaginer.

Spongebabe in L.A (4 Love &Anxiety) de Mercedes Dassy © Maladita
Spongebabe in L.A (4 Love &Anxiety) de Mercedes Dassy © Maladita

S’il commence de manière aussi intrigante que le précédent solo, Spongebabe in L.A (4 Love &Anxiety) de Mercedes Dassy nous laisse, en revanche, davantage sur notre faim. Il s’en dégage pourtant dès le début une étrangeté renforcée par une superbe scénographie à la fois ouatée et aquatique. Comme elle l’a déjà fait avec ses pièces précédentes, la performeuse interroge ce féminisme ultra-sexualisé incarné entre autres par les rappeuses américaines. Mélange de Cardi B et de Nikki Minaj, elle mène la danse en croisant moments chantés et intermèdes chorégraphiques.

Mais cet autoportrait n’apparait pas aussi subversif qu’on l’aurait attendu. Oscillant entre vulnérabilité et puissance, Spongebabe, cette icône pop à laquelle elle prête son corps et sa voix, ne serait-elle pas limite plus caricaturale que celles dont elle s’est inspirée. Inégalement abouti, trop long, ce solo s’étiole au lieu de déployer ses ailes.


Festival Trajectoires
Du 16 au 31 janvier 2025

Identités en mouvement, le 24 janvier 2025 au TU-Nantes

GIGI de Joachim Maudet
Durée 25 mn
Chorégraphie et interprétation – Joachim Maudet
Regard extérieur – Matthieu Patarozzi et Chloé Zamboni
Régie – Laura Cottard

Clashes Licking de Catol Teixeira
Durée 40 mn

En tournée
Les 21 et 22 mars 2025 à Points communs – Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise / Val d’Oise

Concept / performance – Catol Teixeira
Son de Sandar Tun Tun
Création lumière d’Alessandra Domingues
Costumes d’Augute de Boursetty
Regard extérieur – Dominique Gilliot
Collaboration – Fabian Barba

Spongebabe in L.A (4 Love &Anxiety) de Mercedes Dassy
Durée : 60 mn
Concept, chorégraphie, écriture et interprétation – Mercedes Dassy
Dramaturgie de Hanna El Fakir
Production musicale et création sonore de Maxime Pichon
Costume, accessoires et scénographie de Flavie Torsiello
Création lumière de Vera Martins
Regards extérieurs – Sabine Cmelmiski, Svétäl-Anand Chassol, Alphonse Eklou
Régie générale – Inès Isimbi
DJ set de recherches :-Yasmina Tayoub

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