Dans une maison de campagne, Galia Libertad convoque ses proches pour des funérailles qui lui ressemblent : festifs, conflictuels et toujours politiques. Ses amis, ses amants, enfants et petits-enfants se réunissent pour parfaite l’illusion d’un entourage soudé. La mort de Galia est l’éléphant au milieu de la pièce. En attendant le moment fatidique, chacun se replonge dans les souvenirs, remue le passé, vide son sac.
Théâtraliser la politique, politiser le théâtre
Avec ce personnage entier, Carole Thibaut met sur pied une solide résistance au conformisme. Galia emmerde ses détracteurs. Elle a le verbe haut et s’assoit sans mal sur les tabous, qu’il soit question de son avortement ou de l’inceste qu’elle a subi. Galia est vraie, dans tous les sens du terme. Vraie dans sa démesure, vraie dans sa peine, vraie dans ses paradoxes. Et c’est au moment de partir qu’elle se montre plus vulnérable que jamais.
À l’intersection de nombreuses luttes politiques, Galia donne une voix aux femmes, à la ruralité, à la lutte des classes. Mais tout autour de la table, la politique s’invite. Ainsi, on voit les engagements féministes d’une jeune étudiante en anthropologie sociale se murer à l’incompréhension de ses aînés ou encore les doutes d’un fils concernant l’absence de son père comme un écho au passé colonial français.
La politique n’est pas qu’affaires d’idées. Elle est concrète, tangible, matérielle. La politique vit dans les corps, à commencer par ces pieds marqués par les accidents du travail consécutifs.
Ambitieuse fresque historique
Au portrait, Carole Thibaut préfère la fresque. Dans les pas d’un personnage, c’est tout un pan de l’Histoire que l’on devine. Spectacle choral, Un siècle entremêle fiction et réalité pour tenter de contextualiser les existences, visibiliser les cadres historiques, sociologiques, géographiques par lesquels elles ont été conditionnées
Par petites touches, la metteuse en scène, dont c’est la dernière année à la tête du Théâtre des Ilets à Montluçon, concrétise l’ambition d’un art populaire, ancré dans un territoire rural avec un fort passé industriel. Le bourbonnais n’y est pas un folklore, mais une identité que les personnages rendent palpable (et même comestible).
Dense, volubile et peut-être un tantinet trop explicative, Un siècle est une tentative admirable de raconter un personnage par le collectif. Bien que la structure pâtisse de toutes ces prises de parole, parfois un peu déclamatoires, on voit dans ce théâtre la volonté de tendre le miroir dans des directions inédites.
Mathis Grosos
Un siècle. Vie et mort de Galia Libertad de Carole Thibaut
spectacle créé au Théâtre des Îlets le 19 janvier 2022
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
mise en scène Carole Thibaut assistée de Marie Demesy
avec Hugo Anguenot, Chloé Bouiller, Monique Brun, Antoine Caubet, Jacques Hadjaje, Louise Héritier, Jean-Jacques Mielczarek, Olivier Perrier, Valérie Schwarcz
et à l’image et/ou en voix Claire Angenot, David Damar-Chrétien, Carole Thibaut, Marie Vialle
Musique inspirée du répertoire traditionnel auvergnat – Romain « Wilton » Maurel
Son de Margaux Robin
Lumières Yoann Tivoli
Vidéo de Léo Derre
Costumes de Malaury Flamand
Construction décor – Sébastien Debonnet, Frédéric Godignon, Jérôme Sautereau, Stéphanie Manchon, Séverine Yvernault
Scénographie de Camille Allain-Dulondel
Régie générale, son et vidéo Pascal Gelmi, Régie plateau Caroline Costenoble, Léo Laforêt, Anne Lamarque, Régie lumières Guilhèm Barral