Des fils et du carton. Rien de plus. Eva Jospin rêve de paysages oniriques et les réalise. C’est de la dentelle, du travail d’orfèvre. En investissant le rez-de-chaussée du palais gothique de Mariano Fortuny (1871-1949), la plasticienne française s’est nourrie de l’œuvre de l’ancien propriétaire des lieux, de son imagination débordante et de sa créativité folle. Peintre, photographe, sculpteur, architecte, scénographe et couturier d’origine espagnole, installé au cœur de la Sérénissime, entre la Place San Marco et le Rialto, vers 1899, il n’a cessé d’inventer des drapés, des robes, des tissus qui ont fasciné son époque, de la Marquise de Casati, qui fut sa mécène, à Marcel Proust, qui vante dans son œuvre la sensualité de ses créations.
Devenu musée, son Palazzo abrite son atelier et une collection qui donne à voir ce qu’était l’hôte de ce lieu, un artiste génial et prolixe. Théâtre miniature, coussins aux soieries moirées, robes, tableaux, photographies, la muséographie est une invitation au voyage dans le temps, une balade dans un cabinet de curiosités du siècle dernier. Cette atmosphère particulière a clairement infusé dans le processus créatif d’Eva Jospin, pour cette installation présentée dans le cadre de la 60e biennale de Venise.
Selva, installation de cartons (matière favorite de la plasticienne) et de fils, est autant une forêt, un bois qu’un temple d’Angkor ou une galerie marchande et couverte comme celle de Milan. C’est un rêve éveillé, une structure monumentale qui enveloppe et aspire. C’est un voyage dans une autre dimension qui plonge le visiteur dans un espace fictionnel extrêmement théâtral. Tout simplement à couper le souffle !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Venise
Selva d’Eva Jospin
Museo Fortuny
S. Marco, 3958
30124 Venezia VE, Italie
jusqu’au 13 janvier 2025