Loin du froid de décembre, au cœur de la Maison de la Danse de Lyon, c’est l’effervescence. Spectateurs de tous âges et de tous genres, abonnés ou non, ont fait le déplacement. Ce soir, c’est cabaret ! Pas celui de Joe Masteroff, immortalisé par le film de Bob Fosse, ni ceux, très parisiens, de Madame Arthur ou de Monsieur K, mais celui, intime, de Romain Brau. Transformé en scène le temps de deux soirées exceptionnelles, le restaurant affiche complet. Attention à la surchauffe : l’artiste pluridisciplinaire a plus d’une corde à son arc pour faire monter la température. Il sait y faire pour amadouer et toucher au cœur les plus récalcitrants.
Longue robe noire sculptant son corps longiligne et androgyne, talons aiguilles à la semelle rouge, chevelure rousse digne de la Vénus de Botticelli, Romain Brau n’a pas son pareil pour mettre les pieds dans le plat, se moquer autant de lui-même que des autres. Joyeux drille utilisant ses fêlures pour mieux se reconstruire et être enfin lui-même, loin des préjugés et des moqueries, il lance à qui veut des œillades enflammées, des vacheries mordantes ou des mots doux. Ferrant ses proies avec ingéniosité, jouant autant sur le registre de l’humour que des larmes, il embarque les spectateurs dans son petit monde entre kitsch et paillettes, entre glamour et trivialité prosaïque assumée.
De son enfance moquée à ses premiers pas dans la nuit parisienne, de ses premiers émois amoureux à la découverte de sa séropositivité, il en fait des chansons presque douces, des balades envoûtantes. Accompagné au piano par l’excellente Leslie Bourdin, il habite la scène, brûle les planches et fait de la violence du monde un manteau de strass qui l’enveloppe et le protège. Généreux, volontiers aguicheur, totalement décomplexé, Romain Brau secoue la bienséance, égratigne la bien-pensance et illumine la nuit lyonnaise. Unique en son genre, féminin autant que masculin, il brocarde les stéréotypes, met les tabous à terre. Et c’est debout sur l’estrade, invité à chanter à tue-tête Mourir sur scène de Dalida, que le public finit, heureux et comblé. Chapeau l’artiste !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Lyon
Cabaret de Romain Brau
Restaurant
Maison de la Danse de Lyon
8 Avenue Jean Mermoz
69008 Lyon
13 & 14 décembre 2024
Durée 1H 15
Création, interprétation – Romain Brau
Pianiste Leslie Bourdin