Requiem pour les vivants - Delphine Hecquet © Simon Gosselin
© Simon Gosselin

Requiem pour les vivants : magnifique action de grâce

Avec sa compagnie Magique-Circonstancielle associée au Méta - CDN de Poitiers et à La Scène nationale du Sud-Aquitain (Bayonne), Delphine Hecquet signe un spectacle exceptionnel qui donne une dimension plus acceptable de la mort, celle de ne jamais cesser de dialoguer avec ceux qui restent.

Après la mort, il faut réparer les vivants, car ce sont eux qui vont devoir composer avec ce vide immense auquel ils font face. C’est pour cette raison que Delphine Hecquet a intitulé son magnifique ouvrage, Requiem pour les vivants, plaçant l’humain au centre de cette messe normalement dédiée aux défunts et dont les premiers mots sont « requiem aeternam dona ei Domine » (« donne-lui Seigneur le repos éternel »).

Requiem pour les vivants - Delphine Hecquet © Simon Gosselin
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Comment trouver l’apaisement lorsqu’un accident, ce « petit décalage… qui fabrique le chaos », vient saccager le déroulement de la vie ? Jonas venait d’avoir 20 ans ! Et même s’il aimait jouer avec la mort, en sautant du haut des rochers des calanques de Marseille, ce n’est pas un bel âge pour mourir. Ce jour-là, il a osé sauter des douze mètres de la Corniche Kennedy pour se sentir vivant et il en est mort.

Delphine Hecquet s’intéresse avant tout à ceux qui sont restés sur le bord de la vie. Ses amis qu’il retrouvait pour défier le vide et s’offrir des poussées d’adrénaline. Sa mère qui trop prise par ses occupations, a fini par ne plus le comprendre. Comment peut-on continuer à avancer avec une telle blessure au cœur ? Cherchant à dépasser ses peurs, son chagrin et sa colère, chacun y répondra à sa manière. Mais c’est ensemble, en cherchant à se souvenir de lui, transformant « cette absence en présence », qu’ils trouveront la force de rester des êtres vivants et donc des mortels.

Pour composer cet admirable requiem, l’autrice et metteuse en scène a puisé dans plusieurs disciplines artistiques. Le théâtre, bien sûr, à travers un texte finement ciselé après un travail au plateau avec les comédiennes et comédiens. Son livret, mis en musique par Jérémie Poirier-Quinot, est d’une belle poésie. La danse, car les corps expriment ce qui ne peut se dire. Les chorégraphies d’Ángel Martinez Hernandez et Vito Giotta sont de toute beauté. Les arts du cirque trouvent leur place avec les sauts acrobatiques des plongeurs. Le cinéma est aussi convoqué à travers les très belles images vidéo de Pierre Martin Oriol. Même le stand-up est de la partie, avec ce très beau numéro de clown en ouverture par l’inénarrable Léo-Antonin Lutinier. Tout s’imbrique pour former un spectacle d’une créativité remarquable.

La scénographie de Matthieu Sampeur et Loïse Beauseigneur offre un champ de jeu parfait. Au centre du plateau, un grand cube qui représente la maison de la mère de Jonas. C’est froid. Comme dans un tableau de Hopper, la solitude se fait bien sentir. L’espace se transforme pour devenir une salle vide où la fête devait avoir lieu. Le dessin d’une baleine l’orne. Son toit est le sommet de ces calanques d’où se jettent ces téméraires.

Requiem pour les vivants - Delphine Hecquet © Simon Gosselin
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Dans cette pièce chorale, les comédiennes et comédiens forment un ensemble où chacun a son solo à interpréter. Ils se sont pliés aux diverses disciplines convoquées avec beaucoup de grâce. Incarnant par une belle palette d’émotions la douleur d’une mère, Marie Bunel est prodigieuse ! Hugo Thabaret, bel ange et demi-démon, est un Jonas fantomatique troublant. Damoh Ikheteah, Claire Lamothe, Léo-Antonin Lutinier, Ángel Martinez Hernandez, Julien Ramade, et Mathilde Viseux n’ont eu de cesse de surprendre. Ils font vibrer le désarroi de ces jeunes qui ne cessent de braver la mort pour donner sens à leur vie.

Après Nos Solitudes (2020), sur la famille, et Parloir (2022), sur les violences conjugales, Delphine Hecquet poursuit avec ce Requiem pour les vivants son beau parcours qui devrait sans aucun doute l’emmener vers une grande carrière. Le public de l’Empreinte-scène nationale Brive-Tulle, était debout, bouleversé par cette magnifique ode à la vie.


Requiem pour les vivants, texte et mise en scène de Delphine Hecquet
Spectacle créé le 20 novembre 2024 à Scène nationale du Sud-Aquitain Théâtre Quintaou, Anglet
Vu le 4 décembre 2024 à L’Empreinte, Scène nationale Brive-Tulle
Durée 1h40

Tournée 2024-2025
10 décembre 2024 à l’Odyssée, Périgueux
12 et 13 décembre 2024 au Théâtre d’Angoulême
17 décembre 2024 au Gallia Théâtre, Saintes
28 janvier 2025 au Salins, Scène nationale de Martigues
20 et 21 mars 2025 au Théâtre Liberté, Toulon
31 mars et 1er avril 2025 au Méta, Centre dramatique national de Poitiers
8 avril 2025 à la Scène nationale d’Albi

Avec Marie Bunel, Damoh Ikheteah, Claire Lamothe, Léo-Antonin Lutinier, Ángel Martinez Hernandez, Julien Ramade, Hugo Thabaret, Mathilde Viseux
Collaboration artistique, assistanat à la mise en scène Aurélien Hamard-Padis
Écriture chorégraphique d’Ángel Martinez Hernandez et Vito Giotta
Scénographie Matthieu Sampeur et Loïse Beauseigneur
Costumes de Loïse Beauseigneur
Lumières de Thomas Cany
Création sonore, régie son de Félix Philippe
Images originales Pierre Martin Oriol
Vidéo d’Ève Lio
Écriture du livret du requiem Delphine Hecquet
Composition des requiems et direction de chœur de Jérémie Poirier-Quinot
Composition musicale de Sébastien Trouvé
Régie générale et plateau Jean-Philippe Bocquet, lumières David Ménard, vidéo Eve Liot et Cyril Babin
Assistante stagiaire aux lumières et à la scénographie Alexa Pinaud

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