Un immense écran, placé en biais, sert de fond de scène. Divisés en deux, il diffuse en parallèle des images de nature luxuriante et de ville polluée. Teintes sombres relevées de touches bleu électrique, c’est tout un monde de paradoxes qui défile une heure durant.
Vies parallèles
Sur l’aria le plus connu de La Wally d’Alfredo Catalani, rendu célèbre par le film Jean-Jacques Beinex, Diva, remixé par les soins experts de François Veyrunes, les sept danseuses et danseurs traversent le plateau de part en part. Les corps sont tendus, les gestes précis, les mouvements comme retenus par une force invisible.
Solo, pas de deux ou danses de groupe, les mêmes enchaînements se répètent à l’envi. Rien n’est laissé au hasard, tout est maitrisé et corseté. La grammaire du chorégraphe et de sa complice Christel Brink Przygodda ne s’embarrasse d’aucune fioriture et exige une technicité virtuose. Les jambes et les bras sont tendus, les silhouettes ciselées par le jeu d’ombres et de lumières imaginé par Philippe Veyrunes. Bien que traversés par les vrombissements mécaniques, les bruits lointains de soufflerie ou les beats d’une techno étouffée, les corps résistent et refusent le lâcher prise.
L’humain tout contre
Ni les vagues grises, ni les envolées lyriques, n’entraineront les sept interprètes dans une ronde folle, une explosion de mouvements salvateurs. Les portés, les roulades, les jetés, rien ne sort du cadre géométrique qu’impose cette chorégraphie de contraintes. Parfois, fragiles, les appuis légèrement vacillent. C’est dans ces interstices et ces failles que l’écriture de François Veyrunes et Christel Brink Przygodda révèle sa beauté toute assujettie à leur volonté.
Vêtus de noir, les sept danseurs et danseuses rongent leur frein et déploient magistralement leur maitrise d’une langue exigeante et coercitive. De temps en temps les corps cèdent, cherchent une échappatoire, mais très vite les lignes tracées au sol se rappellent à eux. Un peu de folie n’aurait pas nui à la beauté du geste, mais Paradox(al), qui s’inscrit dans la suite logique d’Outrenoir et de Résonance, pièce présentée le 12 décembre à venir à la MC2: de Grenoble, questionne au bon endroit l’humanité et toutes ses contradictions !
Olivier Frégaville-Gratian d’ Amore – Envoyé Spécial à Échirolles
Paradox(al) de François Veyrunes – compagnie 47• 49
Pièce pour sept danseurs créée le 6 novembre 2024 à Château Rouge, SCIN d’Annemasse
vu le 6 décembre 2024 à La Rampe SCIN d’Échirolles
Tournée
11 mars 2025 au Grand Angle de Voiron
13 mars 2025 à la SN Théâtre de Bourg-en-Bresse
25 mars 2025 au Théâtre Molière SN de Sète
Chorégraphie et dramaturgie François Veyrunes et Christel Brink Przygodda
Univers plastique – Philippe Veyrunes
Univers sonore – François Veyrunes
Costumes de Marion Mercier
Créée avec et interprétée par Jeanne Durouchoux, Flavien Esmieu, Tom Levy-Chaudet, Emily Mézières, Geoffrey Ploquin, Alexandre Tondolo.