Niels Arestrup dans Rouge de John Logan © J. Stey
Niels Arestrup dans Rouge de John Logan © J. Stey

Niels Arestrup : un géant s’est éteint

Avec la disparition du comédien ce dimanche 1er décembre 2024, à l’âge de 75 ans, une page nouvelle page de l’histoire du théâtre se tourne, laissant la profession dans une profonde tristesse.

C’est sa femme la comédienne, écrivaine et dramaturge Isabelle Le Nouvel qui a annoncé son décès par ses mots : « J’ai la douleur extrême de faire part du décès de mon époux, l’immense acteur Niels Arestrup, au terme d’un combat courageux contre la maladie. Il s’est éteint entouré de l’amour des siens. »

Rouge de John Logan, mise en scène de Jérémie Lippmann © J. Stey
Rouge de John Logan, mise en scène de Jérémie Lippmann © J. Stey

Il possédait une sacrée puissance. Le voir jouer était toujours impressionnant. De père Danois et de mère Bretonne, il avait un physique très terrien tout en possédant une sacrée grâce. De sa voix particulière, qu’il modulait du plus doux au plus rageux, il pouvait dire tous les textes. Au cinéma, il rayonna surtout dans les seconds rôles pour lesquels il reçut trois Césars (De battre mon cœur s’est arrêté et Un prophète de Jacques audiard, Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier).

Curieusement, lui qui était considéré comme un grand homme de théâtre, s’il fut souvent nommé aux Molières, ne reçut qu’une fois la récompense suprême. C’était en 2020, pour sa magnifique prestation du peintre Mark Rothko dans Rouge de John Logan, adapté par Jean-Marie Besset et mise en scène par Jérémie Lippmann. Son partenaire, Alexis Moncorgé exprimera sur son compte FaceBook sa triste par ces mots qui veulent dire sa profonde admiration : « Tu as été un des plus beaux moments de ma vie ».

Ils sont nombreux à le pleurer, car il a été un grand pédagogue. En 1988, le Théâtre École du Passage, qu’il avait co-fondé avec Alexandre del Perugia, faisait partie des grands centres d’enseignement. L’idée était en plus l’apprentissage des textes et du jeu, les élèves apprenaient l’escrime, le chant, la danse et l’anglais. L’esprit de troupe y régnait avant tout. L’ancien élève de Tania Balachova n’a jamais aspiré à être une star mais un acteur au service de son art. Sa carrière va en ce sens, préférant défendre un projet plutôt que sa gloire.

88 fois l'infini de Isabelle Le Nouvel, mise en scène Jérémie Lippmann © Céline Nieszawer
88 fois l’infini de Isabelle Le Nouvel, mise en scène Jérémie Lippmann © Céline Nieszawer

C’était un personnage complexe, à la fois timide et grandiose, introverti et colérique. Comme il l’avouera à Laure Adler au micro de France Culture en 2014, il était aussi « de relation difficile avec lui-même et avec les autres. » Certaines de ces partenaires féminines comme Isabelle Adjani dans Mademoiselle Julie, Myriam Boyer dans Qui a peur de Virginia Wolf ? en firent les frais. Et même s’il s’est toujours défendu d’être un homme violent, ces deux affaires resteront dans les annales. « Depuis, j’ai tout essayé : m’expliquer, me taire, mais rien à faire, ça me colle à la peau. »

Il a été aussi longtemps associé à la vie nocturne. On le croisait régulièrement au Sherwood, bar-restaurant de la rue Daunou. Il aimait réunir autour de lui ses amis et ses élèves. Chaque soir, on y refaisait le monde du théâtre. La encore, il se battait contre ses démons. Il pouvait être odieux ou adorable, tout dépendait alors de l’humeur du moment.

Il était un artiste à part entière qui n’aimait pas la demi-mesure. On se souviendra de ses grandes interprétations, comme : La Cerisaie de Tchekhov mise en scène par Peter Brook, La Musica deuxième de Duras mis en scène par Bernard Murat, Étoiles de Pierre Laville mise en scène par Maurice Bénichou, Copenhague de Michael Frayn mise en scène par Mickael Blackemore, Quartett d’Henrich Müller mis en scène par Hans Peter Cloos, Diplomatie de Cyril Gély mis en scène par Stéphan Meldegg… En janvier, il aurait dû jouer dans la nouvelle pièce de sa femme, Mélancolie de la gloire au théâtre Antoine, la maladie a eu raison de lui et le rideau est définitivement tombé. Adieu Monsieur !


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