C’est au Festival Circa à Auch, l’endroit où tous les professionnels des arts du cirque se retrouvent chaque année à la fin du mois d’octobre, que nous avons rencontré Marc Jeancourt, co-directeur avec Delphine Lagrandeur, de L’Azimut. Ce pôle culturel francilien regroupe le Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian d’Antony, La Piscine, théâtre de Châtenay-Malabry ainsi que l’Espace cirque d’Antony. C’est à la terrasse du café du Ciné 32 où se déroulent les rencontres professionnelles, avant d’entamer le long marathon des spectacles, que nous avons, le temps d’une pause, revisité les 20 ans de cette belle épopée.
La passion du spectacle avant tout
Comment cet homme de théâtre à la base a-t-il eu l’idée, il y a 20 ans, de mettre en place cet espace cirque en pleine banlieue parisienne ? Il avoue avoir toujours été, en tant que spectateur, un passionné du cirque. En tant que programmateur pour son festival La Tournée Océane, qui a fait travailler des jeunes compagnies de l’époque comme Anne-Laure Liégeois, Laura Scozzi, Nathalie Fillion…, il s’est révélé être un dénicheur de talent. « Je cherchais aussi de jeunes artistes de cirque. C’est grâce à Bernard Turin (créateur de l’école de cirque de Rosny et directeur du CNAC de 1990 à 2002) que j’ai rencontré Nikolaus. » Et c’est ainsi que tout a commencé.
Quand il prend la direction du théâtre Firmin Gémier d’Antony en 2000, se rendant compte que le lieu de l’époque n’avait pas assez de hauteur pour accueillir des spectacles de cirque, il décide de trouver un autre espace. « On a commencé par louer une salle. très vote, on s’est rendu compte qu’on mettait plus d’argent en technique qu’en artistique. On s’est donc dit que ce n’était pas la bonne idée. Quand on ne peut pas faire grand-chose, il faut voir grand, forcément ! » D’où l’idée de trouver un endroit où les compagnies allaient pouvoir implanter leur chapiteau.
En relation étroite avec les institutions
La Mairie l’invite à participer à une réunion autour de la démolition d’une immense barre d’immeuble dans un quartier prioritaire de la ville. Comme il n’était pas question de reconstruire un nouveau bâtiment de suite, Marc Jeancourt leur propose de faire une expérience sur ce terrain en friche. « J’ai besoin d’eau, d’électricité et d’une sortie de secours. Et donc on a créé l’espace cirque provisoire ! On y a accueilli trois chapiteaux, celui de la Cie Baro d’evel avec leur première création, qui s’appelait Bechtout, le cirque de Romanes et le Circus Ronaldo, avec leur spectacle, Fili, une merveille ! »
Les élus, séduits, donnent leur accord pour que trouver un autre endroit qui sera, lui, définitif. « C’est comme cela qu’on a cherché et trouvé l’emplacement. » En décembre 2004, il ouvre l’espace sur le terrain que l’on connaît de 4 400 mètres carrés à ciel ouvert. « On a eu de la chance parce que nous sommes arrivés à un moment où il y avait quand même pas mal de chapiteaux ».
« Le chapiteau fait partie intégrante du spectacle ! »
La particularité de cet emplacement est d’être un espace vide où les cirques arrivent avec leur propre chapiteau. « C’est un choix artistique, parce que le chapiteau fait partie intégrante du spectacle ! Parce que ça interroge le cercle et propose un autre rapport au public. C’est leur maison à eux. » Marc Jeancourt précise qu’ils ont un petit chapiteau à eux destiné à l’accueil du public, une roulotte pour la billetterie, un petit atelier pour bricoler et les sanitaires, mais c’est tout. « Il se trouve que, tous les ans, il y a à peu près 200 jours d’occupation », ce qui est quand même relativement important.
Au cœur de l’évolution des arts du cirque
Quand ils ont commencé en 2004, ils avaient affaire à un champ artistique assez restreint parce que les compagnies de cirque contemporain sous chapiteau n’étaient pas très nombreuses. « Donc le choix était relativement facile à faire. Et il était surtout français ! » En 20 ans, le cirque s’est progressivement institutionnalisé, défendant l’idée d’auteur et d’autrice, le renouvellement des formes et « le cirque en salle est devenu très important. Et les écoles supérieures, en particulier le CNAC, ne sont pas devenues les plus grands avocats du chapiteau. ». Devant la crise des propositions, ils ont cru à un moment devoir « ressemer de la pelouse ! »
Puis sont arrivés les collectifs – « qui ne venaient pas toujours des écoles supérieures » – qui, pour faire face aux difficultés économiques, ont acheté des chapiteaux. « De cette économie de la démerde, avec des spectacles souvent un peu brinquebalants, sont sorties des choses extrêmement intéressantes ». Il y a aussi l’arrivée des enfants de la balle qui poursuivent une longue et vieille passion. Et donc aujourd’hui, « on a un paysage qui est diversifié, complexe, hyper intéressant et qui s’est profondément renouvelé. Donc là, maintenant, on n’a plus du tout envie de ressemer du gazon sur l’espace cirque. Il y a une belle histoire qui se poursuit. »
Des célébrations basées sur l’histoire et la filiation
Une véritable histoire s’est créée autour de cet endroit. « Au début, il n’y avait que trois représentations. Désormais, on en fait neuf, uniquement sur le week-end, étalés sur trois semaines » comme ce fut le cas pour Strano du Cirque Trottola en octobre dernier. Cette compagnie illustre a démarré les festivités destinées à célébrer les 20 ans d’existence de l’espace.
Le deuxième invité a été, le dernier week-end de décembre, le Circus Ronaldo avec Sono Io ?, ce magnifique spectacle où il est question de transmission entre deux générations. Le symbole est fort, car cette grande famille de circassiens flamands a été l’une des premières à faire vibrer l’espace cirque avec Fili. « Spectacle dans lequel, le père, Johnny était en train de passer la main à son fils Danny. Sono Io ?, d’une certaine manière, est la suite, puisque Dany, qui est loin d’être fini, passe la main à son fils Pepijn ! » C’est donc en toute logique que, du 6 au 15 décembre, on retrouve un autre spectacle des Ronaldo, Da capo, qui est aussi « une histoire de famille, de cirque et de partage ! ».
Le 9 décembre, il y aura la grande fête : un cabaret mis en scène par Dany Ronaldo, avec les artistes qui ont fait les 20 ans de l’espace cirque, mais aussi deux compagnies de jeunes artistes flamands « pour bien montrer que ce n’est pas que de l’entre-soi, qu’il y a des étrangers, qu’il y a de la jeune génération, etc. » et que surtout l’aventure est loin de se terminer.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Les 20 ans de l’espace cirque d’Antony
L’Azimut
Rue Georges-Suant
92160 Antony
Lundi 9 décembre 2024 à guichet fermé
Da Capo du Cirque Ronaldo
Du 6 au 15 décembre 2024
Conception et mise en scène Danny Ronaldo
Interprétation Danny Ronaldo, David Ronaldo, Nanosh Ronaldo, Pepijn Ronaldo, Angelo Ronaldo, Adanya Ronaldo, Karel Creemers, Corneel Didier, Rachel Ponsonby, Marie Parrinet, Elisa Cheryl Vizioli, Brechje De Ruysscher, Maria Ronaldo, Frauke Verreyde, Flor Huybens, Niko Heremans
Technique Flor Huybens, Niko Heremans
Mise en scène finale Frank Van Laecke
Création sonore David Van Keer, Steven Pringels, Pepijn Ronaldo, Rachel Ponsonby
Durée 1h30