Septième et dernier fils d’une fratrie de garçons, Mehdi – le guide éclairé par dieu – , né une nuit de pleine lune, n’était pas vraiment désiré. Ses parents, Malek – le roi – et Hayat – la vie -, n’avaient clairement pas les moyens pour élever un autre enfant. Lui travaille dans les mines, elle s’occupe de gérer le quotidien. L’argent manque, mais contre mauvaise fortune, bon cœur, quand l’amour est là, tout va. Aimé et chéri, le benjamin est au centre de toutes les attentions… trop peut-être. Son existence ouatée semble toute tracée…
Une vie à mille à l’heure
Pourtant, sa vie est loin d’un long fleuve tranquille. À six mois, bercé un peu trop près du mur par un de ses frères, Mehdi, assommé, reste en réanimation deux semaines à l’hôpital. Ce premier accident, lui vaut son surnom, Kolizion. Puis à neuf ans, il joue avec du feu et se transforme en torche humaine. Il faudra plusieurs mois pour que les stigmates des brûlures s’estompent. Plus de peur que de mal, le petit garçon, chouchouté par tous, grandit. À l’école, il apprend des erreurs de ses frères. Il est un vrai crack. Le brevet, le bac avec mention très bien, en poche, il atterrit en math sup.
Bosseur, il ne prend même plus le temps de vivre, de respirer, d’aimer. Il ne mange presque plus, lutte contre une dépression grandissante et se défonce aux médocs. Enfant prodige de la famille, il ne peut décevoir les siens. Jamais, il ne fléchit. Marche après marche, il grimpe les échelons, ne laisse rien au hasard et devient indispensable. Mais tous ces sacrifices et toutes ces compromissions en valent-elles la peine ? Le petit garçon n’est-il pas passé à côté de sa vie ?
Un conte initiatique
En dix-huit tableaux, Nasser Djemaï esquisse la trajectoire folle d’une étoile filante, un être qui court en permanence après un but inaccessible. Fable contemporaine, poème d’aujourd’hui, Kolizion se fond dans l’air du temps, celui du capitalisme, de la productivité à tout crin et de la surenchère. Toujours monter plus haut, ne pas fléchir, ne pas céder à la facilité, sont les mantras qui irriguent ce conte initiatique. Mais jusqu’où la quête de soi est-elle à ce prix exorbitant : l’absence de vie… ?
Avec fièvre et fougue, Radouan Leflahi, découvert dans les dernières créations de David Bobée, s’empare de ce monologue que l’on croirait taillé sur mesure. Il le façonne à sa langue, à sa voix, à son jeu précis et exalté. Tantôt enfantin, tantôt brûlant, le comédien navigue comme un poisson dans l’eau dans les mots et la mise en scène de Nasser Djemaï. Il est Mehdi jusqu’aux tréfonds de son âme.
Habitant la scénographie forestière et enchantée d’Emmanuel Clolus, le comédien donne vie à l’enfant primesautier, à l’adolescent bucheur et à l’adulte déterminé, avec la même intensité, la même ferveur. Il irradie magistralement la scène. Un artiste rare qui donne à ce fascinant récit toute sa chair, son muscle et son nerf !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Kolizion de Nasser Djemaï
Éditions Actes Sud-Papiers
TQI – Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val de Marne
Le Lanterneau
1 place Pierre Gosnat
94200 Ivry-sur-Seine
du 4 au 20 décembre 2024
Durée 1h40
Tournée
4 au 7 février 2025 à la MC2 : Grenoble, Scène nationale
7 mars 2025 aux Passerelles, Centre culturel Pontault-Combault
20 au 22 mars 2025 au Théâtre Joliette, Scène conventionnée
25 au 30 mars 2025 à la Scène de Bayssan, Scène en Hérault
3 au 4 avril 2025 au Théâtre Sartrouville et des Yvelines – CDN
9 au 11 avril 2025 au Théâtre de Nîmes, Scène conventionnée
mise en scène de Nasser Djemaï assisté de Rachid Zanouda
Avec Radouan Leflahi et en tournée à la MC2: Grenoble, Scène nationale – Adil Mekki
Dramaturgie de Marilyn Mattei
Scénographie d’Emmanuel Clolus
Création lumière de Vyara Stefanova
Création sonore de Frédéric Minière
Création costumes d’Alma Bousquet assistée d’Amélie Hagnerel
Régie générale et régie plateau – Lellia Chimento.