Elle commence de dos en observant dans un petit miroir suspendu les visages du public au fur et à mesure qu’elle balaie la salle. Que cherche-t-elle en nous sondant ? D’elle, on ne voit d’abord que la silhouette menue et musculeuse, short flottant, body noir et baskets de boxeuse. Se retournant face à nous, elle impose sa présence nerveuse, fébrile. Le haut de son corps s’anime d’une succession de micro mouvements saccadés qui suivent le rythme percussif de la musique. Une chorégraphie inspirée d’une danse populaire éthiopienne appelée Eskista. Une danse imprimée dans la mémoire de la danseuse.
Identité intime
« Je suis Mulunesh, Je suis Adelaïde Desseauve. Je suis née dans le berceau de l’humanité. » Au fur et à mesure, elle décline ses identités et dessine ainsi le portrait de celle qui se présente face à nous. Proposition à la fois parlée et dansée, ce solo évoque, notamment, le parcours d’une fillette née en Éthiopie, adoptée par une famille française, tiraillée entre ces deux histoires qui la constituent. Si elle précise que son pays d’origine est le seul pays d’Afrique à n’avoir jamais été colonisé, elle ne dédouane pas pour autant l’adoption de ses responsabilités.
Au plateau, face à nous, dans l’intimité qui se crée subitement malgré la froideur du lieu, une salle de cinéma d’un lycée parisien, l’écolière assise devant un bureau se mue en guerrière puissante qui laisse exploser ses conflits intérieurs entre filiation et adoption. S’agrègent alors histoire personnelle en quête d’apaisement et les séquelles de l’histoire coloniale. « Comment les corps par la danse parviennent-ils à transformer la colère, la violence en puissance d’agir ou de dire ? » Cette question se niche au cœur du propos de ce solo intime.
Portrait sur mesure
Ce portrait dense et bouleversant est l’un des quatre solos portés par des interprètes différents et conçus par la chorégraphe Betty Tchomanga pour un public de collégiens et de lycéens hors des plateaux traditionnels. Soudain, #Muluneshfait voler en éclats les murs de cette salle pour nous entraîner très loin à des millions d’années en arrière. « Je suis Lucy », clame-t-elle toujours en quête d’identité.
Ayant fait ressurgir la danse de son enfance, enfouie dans sa mémoire corporelle, la danseuse renoue avec elle-même et déploie ses ailes dans un solo de krump d’une impeccable maitrise. En éthiopien, Mulunesh signifie plénitude. La conclusion du solo prouve qu’elle a trouvé son chemin d’émancipation pour faire le lien entre les différents récits qui la composent.
Claudine Colozzi
Histoire(s) décoloniale(s) #Mulunesh de Betty Tchomanga
Vu le 3 décembre 2024 au Lycée Voltaire. Hors les murs du Théâtre de la Bastille
Durée : 35 mn (+ 30 mn d’échanges)
En tournée
4 décembre 2024 au Phare-CCN Le Havre Normandie Bibliothèque du lycée François 1er
5 décembre 2024 à l’Étincelle à Rouen – Chapelle Saint Louis
9 janvier 2025 au théâtre Le Sémaphore de Port de bouc – Lycée Langevin à Martigues
22 et 23 janvier 2025 – Festival Waterproof – Le Garage à Rennes
29 janvier au 1er février 2025 – Festival Faits d’hiver – Théâtre de la Bastille
4 au 7 février 2025 au CN D – Centre national de la danse – Dans des collèges et lycées de Pantin et en universités
Conception de Betty Tchomanga
Collaboration artistique et interprétation :-Adelaïde Desseauve alias Mulunesh
Création sonore de Stéphane Monteiro
Régie son de Clément Crubilé et Yann Penaud (en alternance)
Costumes de Marino Marchand en collaboration avec Betty Tchomanga
Masque – Mariette Niquet-Rioux
Scénographie et accessoires – Betty Tchomanga en collaboration avec Vincent Blouch