Comment porter l’impossible au plateau ? Que faire du texte irrévérencieux de l’auteur de Gargantua et Pantagruel ? Ce sont là les défis d’Histoire de géants que porte la compagnie Les Ombres des soirs sur le plateau du Centquatre à Paris.
Vulgaire et pets
Dès les premières secondes, on nous donne le ton, cette pièce ne s’excuse pas d’être vulgaire. Il y sera question de diarrhées généreuses, de flatulences chargées et autres remontées gastriques express. Il faut dire qu’adapter les histoires de Gargantua et Pantagruel suppose de s’épargner les manières.
Loin de faire un théâtre sur la pointe des pieds, dans l’ombre des classiques, Youssouf Abi-Ayad entend arracher à François Rabelais une atmosphère, un ton, plus encore qu’un texte. L’auteur consacré y devient le prétexte d’une création fiévreuse ou chaque tableau s’abstrait de l’esthétique du précédent, cherchant, au détour d’une situation, d’un comique de répétition, un excès pour détrôner le précédent.
Effet de plateau
D’emblée, la proposition de la compagnie s’avère prometteuse ; souiller de vomi un décor immaculé. Cette nausée contagieuse qui donne le ton montre aussi très vite les limites de la proposition : trouver l’escalade dans les situations les plus loufoques et éviter un effet de plateau. Dans cet univers dont l’outrance devient la norme, il faut une surenchère constante pour ne pas perdre en intensité. C’est sans doute là la force et la difficulté du théâtre, un spectateur s’habitue à tout.
L’enchaînement de séquences permet de faire chaque fois table rase mais il montre aussi l’épuisement des dispositifs, parfois pourtant très imaginatif. Au fond, la pièce fait beaucoup avec peu. Et tout cela tient très certainement à la troupe dont on sent le plaisir à jouer ces situations, surjouer leur absurdité, déjouer les attentes. C’est ce plaisir communicatif qui nous permet de revenir sans cesse au spectacle, même quand les séquences s’essoufflent.
Mathis Grosos
Histoire de Géant de Youssouf Abi-Ayad
création le 7 février 2023 au Quai -CDN d’Angers
Festival Impatience
présenté le 16 et 17 décembre 2024
Le Centquatre
5 rue Curial
75019 Paris
mise en scène de Youssouf Abi-Ayad assisté de Mathilde Carreau et Jules Cibrario
avec Youssouf Abi-Ayad, Romain Darrieu, Lucas Goetghebeur, Coraline Mages, Maud Pougeoise
musique de Francisco Alvarado Basterrechea
scénographie de Cécilia Galli et Manon Grandmontagne
accessoiristes – Eloïse Simonis et Serge Ugolini
régie générale et création lumière – Auréliane Pazzaglia
costumes d’Angèle Gaspar assistée d’Aline Bailly, d’Ameline Fauvy et de Fabien Connac
régie son – Anaïs Connac
régie plateau – Manon Grandmontagne