Comment est née cette envie d’écrire un spectacle autour des imaginaires de l’enfance ?
Adèle Fernique : Avec Patosz qui co-dirige à mes côtés la compagnie Permis de construire, nous échangions à bâtons rompus, comme c’est souvent le cas en début de création. La conversation est venue sur le terrain de l’enfance et des histoires que l’on se racontait pour se rassurer. Petite, je pensais que quand je serais morte, j’irai dans une salle de cinéma, que je pourrais voir regarder tous les gens que j’aime continuer à vivre avant qu’ils me rejoignent dans ce paradis fantasmé. Cela m’apaisait je suppose. Patosz, elle, imaginait qu’un petit moine était caché dans son réveil et le faisait sonner. Assez vite, on s’est dit que nous ne devions pas être les seuls à avoir ce genre de croyances. Nous avons donc commencé à récolter auprès de nos amis les contes et les mondes qu’ils s’inventaient enfants. Puis, nous avons poursuivi cette collecte auprès d’autres personnes. C’était passionnant et cela nous donnait une belle matière pour un spectacle.
Quelles sont les personnes qui ont alimenté ce recueil ?
Adèle Fernique : Dans le cadre des différentes activités de la compagnie, nous animons des ateliers, notamment de marionnettes. Ce type d’occupation éveille beaucoup l’imaginaire, car cela convoque l’enfant que nous étions. Par ce biais, nous avons pu ouvrir le champ de nos recherches. On s’est rendu compte que les enfants étaient moins réceptifs que les adolescents et les adultes. En effet, ce qui nous intéressait, c’était de réactiver des souvenirs. Puis, nous avons aussi organisé des micro-trottoirs dans les lieux avec lesquels nous travaillons régulièrement.
Combien avez-vous récolté de paroles ?
Adèle Fernique : Énormément. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons pensé un spectacle augmenté. C’est-à-dire qu’en parallèle de la performance, nous présentons une exposition. En tout, cent trente histoires sont racontées. Mais dans la réalité, je pense que nous en avons récolté le triple. Il a donc fallu que nous fassions une petite sélection.
Continuez-vous à récolter des histoires ?
Adèle Fernique : C’est vrai qu’à la sortie des spectacles, les gens viennent nous raconter leurs anecdotes, des souvenirs qui sont remontés à la surface au cours de la performance ou de la visite de l’exposition. D’ailleurs, afin de poursuivre l’expérience, nous avons à la fin de la visite mis en place un livre dans lequel chacun peut raconter ses histoires. Il était important pour nous d’avoir ce type de dispositif interactif. L’idée est à terme d’éditer un livret avec l’ensemble des propos que nous avons récoltés.
Comment donne-t-on vie au plateau à ce matériel entre rêve et réalité ?
Adèle Fernique : La richesse des univers rencontrés permettait de traverser ce type de matériel. C’est d’ailleurs comme cela qu’est née l’idée d’une exposition, pour pouvoir avoir des médiums très variés à notre disposition. Dans ce cadre, Patosz a produit des dessins, nous avons aussi des vidéos, des marionnettes, des enregistrements sonores, des décors et des objets miniatures. Par exemple, une des personnes que nous avons interrogées, nous a raconté qu’enfant, il était persuadé que dans la machine à café de ses parents, des lutins étaient cachés et que c’étaient eux qui la faisaient fonctionner. Nous avons donc coupé en deux une cafetière, nous l’avons vidée et nous avons construit à l’intérieur une usine de papier. Ce qui est d’ailleurs marquant, c’est que derrière les fantaisies d’enfants, il y a un ancrage dans la réalité.
L’exposition et le spectacle sont visibles au MAIF Social club ?
Adèle Fernique : Partout où nous présentons le spectacle, c’est le cas. Les deux sont indissociables, car ils forment un tout. La performance est en fait une visite théâtralisée de l’exposition. Nous utilisons le matériel exposé pour raconter les histoires de vive voix. Nous l’avons imaginée comme une sorte de conférence muséale. C’est à travers les objets, que ce soit des marionnettes, des farandoles de papier, que l’imaginaire se crée. C’est un théâtre d’ombre, de lumières avec des marionnettes à gaine, un monde de papier, un univers d’enfant pour les adolescents et les adultes.
Quelle est la suite de l’aventure ?
Adèle Fernique : après le MAIF Social Club, nous nous poserons en janvier pour trois semaines au centre culturel du Mérévillois, puis en février, nous poursuivons l’aventure à l’espace Michel Simon de Noisy-le-Grand, dans le cadre d’un festival dédié à l’art de la marionnette. Nous serons aussi au Théâtre L’éclat en avril, à L’envolée – Val Briard en mai et au Musée de Normandie-Château de Caen en octobre. La tournée est toujours en construction.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
On aurait dit de la Cie Permis de Construire
MAIF Social Club dans le cadre de l’exposition Faisons corps
rue de Turenne
75004 Paris
du 12 au 14 décembre 2024
Tournée
24 au 26 janvier 2025 au Centre culturel de Méréville, Le Mérévillois (91)
8 au 15 février 2025 à l’Espace Michel Simon, Noisy-Le-Grand (93)
23 au 27 avril 2025 au Théâtre l’Éclat, Pont-Audemer (27)
30 avril au 3 mai 2025 à L’Envolée – Val Briard, Les Chapelles-Bourbon (77)
Conception, collecte des imaginaires, construction des objets, dramaturgie et écriture – Patosz et Adèle Fernique
Aide à la construction – Bruno Michellod
Conception scénographie – Patosz et Aude Weinich
Construction scénographie – Florent Bastaroli
Illustration – Patosz
Création lumière – Elsa Sanchez
Vidéaste – Pilou
Monteur vidéo – Yoli
Marionnettistes des vidéos – Patosz, Guillaume Lucas, Maxime Gridelet, Dana Fiaque et Adèle Fernique
Animation – Camille Lherminier