Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Je me souviens de manière indélébile des premières sorties spectacles, l’été, avec mes grands-parents à l’âge de cinq ans. C’était dans le sud de la France près de Perpignan, ils m’emmenaient découvrir les compagnies de cirque, les magiciens ou encore Guignol. L’étonnement, la douceur et la joie de ces moments hors du temps, en bord de Méditerranée avec les étoiles au-dessus de nous, ont été à la genèse de mon intérêt pour les arts vivants.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Le vrai déclencheur a été l’option théâtre du Lycée de la Miséricorde à Metz en classe de Première. Les rencontres que j’y au faites ont été incroyablement précieuses… Comme celle avec Guillaume Vincent, tout juste sorti de l’École du TNS. Cela a été un choc. Une sensation d’être au bon endroit. C’est également à ce moment-là que le goût du jeu n’était plus simplement lié à la libération de l’expression et à l’exploration de sa sensibilité. Il commençait à passer également par les textes et la langue. La découverte de cette dimension avec ces intervenants exceptionnels a été décisive. L’intérêt du jeu n’était plus seulement enfantin et instinctif, il s’alliait avec l’envie de faire entendre des auteurs. Ce fut une chance inouïe.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
La réponse se situe à mi-chemin entre les deux précédentes. Entre le moment où j’ai découvert le cirque, la magie de close-up, l’étonnement que cela procurait, les moments de légèreté et de rassemblement. Je me suis ainsi naturellement intéressé à tout ce qui touchait aux « métiers de la scène et du spectacle ». Grâce aux Ateliers comédie-musicale en primaire sur Starmania, au cours au Conservatoire régional à Metz et à l’option théâtre au lycée m’ont permis de comprendre que je ne me sentais jamais aussi vivant que lorsque je jouais. Cela ne m’amusais jamais autant que lorsque j’inventais des histoires avec mes frères et sœurs ou lorsque je regardais avec eux les films de Jim Carrey et Roberto Benigni. Je sentais qu’il y avait là un endroit précieux que je voulais continuer d’explorer dès que je le pouvais.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Le Petit Prince ! Pas très original… Mais, pour y jouer le serpent ! J’ai un souvenir de déréalisation assez étrange. Je ne me souviens pas vraiment de la sensation sur scène, mais je me rappelle me voir sur le plateau depuis le public. Je ne sais pas ce que cela signifie en psychanalyse ! J’avais un maquillage de serpent sur tout le visage, les regards des uns et des autres changeaient et j’avais le sentiment d’être protégé, masqué et du coup un peu plus libre !
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Quelle question difficile ! En tant que spectateur, le spectacle que je suis allé voir le plus de fois est The Fountainhead mis en scène par Ivo Von Hove à Avignon. J’ai même voyagé jusqu’au Pays-Bas avec une amie pour le revoir. Il cristallisait des sujets qui me passionnent encore beaucoup, l’ambiguïté des rapports que l’on peut avoir face à l’art et au monde. Nos choix et nos différences dans notre façon d’appréhender la vie et la société. Tout cela avec cette troupe incroyable, généreuses. Avec un jeu à la fois très concret mais non dénuée d’un certain lyrisme.
En tant qu’acteur il y en a eu tant, mais récemment la rencontre avec l’équipe du théâtre de la Suspension et Bertrand De Roffignac a été bouleversante. Nous avons joué au cirque électrique. C’était la première fois que je jouais sous chapiteau et que je participais à une œuvre multidisciplinaire avec de la danse, du cirque de la musique live. La générosité, la démesure, la fougue des projets que Bertrand porte font naître au sein de l’équipe et en soi un sentiment de tous les possibles. On est plongés dans un univers où on a d’autre choix que de lâcher prise. C’est une sensation merveilleuse. Nous serons les 22 et 23 janvier au CDN de Vanves pour L’alphabet des providences.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
La rencontre avec Denis Podalydes et Valeria Bruni Tedeschi, sur le film Les amours d’Anaïs de Charline Bourgeois Tacquet. Rencontre assez furtive mais passionnante. Les regarder travailler deux heures peut être échangés contre un an de cours d’art dramatique ! Haha ! Et celle avec Jean-François Auguste, grâce à Gretel Delatre. C’est le premier metteur en scène avec qui j’ai travaillé après l’école, nous avons beaucoup tourné. C’est un être et artiste idéal pour commencer à arpenter les scènes. Il est à l’écoute, précis et engagé.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
En presque tout. Il crée un endroit d’expérimentation, de rencontres et de questionnements continu. Je pourrais probablement trouver d’autres endroits d’expérimentation et d’expression que celui de mon métier et il y en a ! Mais le jeu, la création est un tel catalyseur. C’est le point nodal de tant de choses qui sont essentielles qu’il serait tout de même difficile pour moi d’en imaginer un autre. Nous y faisons tant de choses, lisons, échangeons, bougeons, créons, amusons questionnons… On essaie en tout cas ! Mais quel espace de tentative incroyable.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout ce que je ne connais pas ou ne comprends pas directement. Quelqu’un qui regarde, à sa manière, ce que je n’avais jamais vu avant. Un texte qui me résiste, qui me parait inaccessible. Je crois que j’ai une tendance à vouloir fouiller et chercher là où ça va me déstabiliser. Ça me rend curieux et m’inspire. Il me semble.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Enfantin, réjouissant, boulimique.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Je crois à une approche holistique des choses alors j’aurais tendance à ne pas séparer les différents endroits de chair. Mais pour le jeu, je dirais les plis des yeux, les zygomatiques et le crâne.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Simon Stone, Angelica Liddell, Lorraine de Sagazan !
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Une œuvre d’Émir Kusturica !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Une photo d’un demi-avocat qui dérive sur la mer comme un petit bateau, avec un bonhomme en jouet assis dedans. Ou alors un livre sur les Arlequins, les bouffons et les fous à travers l’histoire.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Brasser de l’air et s’envoler, spectacle de Xavier Guelfi
Le Scala – La Picolla Scala
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Jusqu’au 4 janvier 2025, puis du 4 mai au 9 juin 2025
Durée 1h10