Vêtue d’un jean large et d’un pull rouge, Ambra Senatore se tient, côté jardin, devant la scène. Micro à la main, elle annonce, non sans humour, les consignes pour le bon déroulement du spectacle à venir. Si comme de coutume, il est interdit de prendre des photos et d’utiliser son portable en cours de représentation, l’artiste va un peu plus loin dans les restrictions qu’elle impose à son public. Il est cette fois formellement interdit de quitter la salle et le théâtre. Des barricades ont été placées pour empêcher toute échappée. Réalité ou fantasme ? Le cadre est posé. Nos libertés sont contraintes, nos voix muselées.
Magie du théâtre, la danseuse et chorégraphe s’éclipse. Quelques minutes plus tard, elle réapparaît de derrière les rideaux du fond de scène côté cour. De dos, elle traverse le plateau en diagonale. Le geste est précis, saccadé, mécanique. Présence lumineuse, danse vibrante, Ambra Senatore esquisse par touches l’histoire d’une vie de femme ou plus exactement tisse à travers plusieurs récits des existences féminines. De la mère au foyer excédée par son enfant qui ne cesse de sauter à l’hôtesse de maison qui indique le chemin à ses invités, de ces femmes qui n’ont plus le droit de parler et de chanter à celles qui trouvent une forme de liberté dans le tricot, elle leur donne corps et paroles.
Engagée, l’artiste ne dénonce pas, elle montre des instants de vies enrayées, abîmées, bâillonnées. Puissante dans les déliés, virtuose dans le lâcher prise, elle se laisse guider par le son étouffé de ses semblables qui, ici ou ailleurs, font face à la violence sexiste. À travers une succession de mouvements explicites et peu d’accessoires – une chaise, quelques napperons blancs, des oranges et des pelotes de laine – , Ambra Senatore peint une fresque humaine tragi-comique qui secoue en profondeur. Son nouveau solo est un cri du cœur, un cri de rage, une étincelle prête à embraser non le feu d’une révolte, mais d’une solidarité sororale des plus nécessaires.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Solo 2024 d’Ambra Senatore
Salle Jean Vilar
Théâtre de Suresnes
16, place Stalingrad
92150 Suresnes
17 novembre 2024
Durée 1h
Tournée
27 et 28 novembre 2024 au Zef, scène nationale – Marseille
17 janvier 2025 à La Scène – Musée du Louvre – Lens
28 janvier 2025 à l’Espace Michel Simon – Noysy-le-Grand
31 janvier 2025 au Grand R, scène nationale – La Roche sur Yon
08 février 2025 au Festival Les Hivernales – CDCN d’Avignon
14 février 2025 à l’Espace Germinal – Fosses
12 et 13 mars 2025 au Lieu Unique, scène nationale de Nantes
03 avril 2025 au Triangle, cité de la danse – Rennes
16 mai 2025 au Théâtre du Fil de l’eau – Pantin
Musique originale Jonathan Seilman
Lumières de Fausto Bonvini
Regards extérieurs – Claudia Catarzi, Andrea Rocaglione, Agustina Sario