Lors de la dernière édition du Festival Circa à Auch, Richard Fournier a trouvé, entre deux rendez-vous, le temps de nous parler de cette Nuit du Cirque, qu’il concocte chaque année avec des expériences hors-normes. Pour cette 6e édition, en jumelage avec Onyx le théâtre de Saint-Herblain, il propose Voyage 2 nuits.
Parlez-nous de la Nuit du cirque…
Richard Fournier : C’est un événement international qui a été initié par l’association Territoires de Cirque et qui regroupe pour cette édition plus de 280 structures sur 18 territoires. La Nuit du cirque a été pensée comme une manifestation autour de laquelle l’ensemble des structures pouvaient se rencontrer, partager et mettre le cirque et les écritures contemporaines de cirque à l’honneur. Ce projet a été initié, à l’image de la Nuit des musées ou de la Nuit blanche, pour que le cirque, trois jours durant, soit à l’honneur en étant diffusé partout, par tous et pour tous.
À l’origine, ce sont les PNC (Pôles Nationaux Cirques), à travers l’association Territoires de Cirque, qui ont été les lieux relais dans les différentes régions de France. Aujourd’hui, des structures belges, suisses, allemandes se sont jointes à cette manifestation pour en faire un rendez-vous international. Ces dernières années ont permis de vraiment ancrer cet événement dans le paysage, de mettre les arts du cirque à l’honneur au moins une fois dans l’année, alors que cet art est quand même très universel.
En tant que Pôle National du Cirque comment avez-vous pensé cette manifestation ?
Richard Fournier : Notre établissement œuvre uniquement en faveur de l’esthétique circassienne. Nous ne sommes pas une structure généraliste. On l’accueille, on le diffuse, on le coproduit et on l’enseigne avec un pôle de pratique amateur. C’est un terrain de jeu. La Nuit du cirque nous sert à créer des rendez-vous iconoclastes, à proposer des cartes-blanches et, en tout cas, à travailler différemment le lien au public. Au Plongeoir, nous proposons différentes Nuits du cirque. L’année passée, on a travaillé autour de la nuit blanche en proposant une « Pyjama party » de 18h à 8h30 le lendemain matin.
Comme nous cherchons toujours l’idée la plus improbable, on s’est demandé ce qu’on ne fait jamais le soir au mois de novembre ! Une balade au clair de lune en forêt ! L’idée était, en plus de créer un rendez-vous atypique, d’aller aussi se réapproprier la nuit, qui peut être source de fantasmes, à la fois très positifs et très négatifs. On a demandé à une quinzaine de jeunes artistes de proposer une expérience particulière aux spectateurs et aux spectatrices. On les invite à se décaler, à profiter de cette nuit pour faire quelque chose de nouveau.
Comment cela va-t-il se dérouler ?
Richard Fournier : Le public ne sait pas ce qu’il va voir. Il sait juste qu’il a rendez-vous à telle heure au Plongeoir. Il nous fait confiance ! Des bus vont embarquer les spectateurs et les déposer à des points de départ différents. Ils vont se balader, rencontrer des guides-circassiens qui vont les conduire à une ferme proche de la forêt. Les quinze artistes invités vont occuper différents corps de fermes, une écurie, une bergerie, etc, en présence des animaux. L’idée est vraiment de faire de l’in situ ! On leur a demandé de préparer des sortes d’attractions, des courts numéros qui vont pouvoir s’enchaîner. Le public va être libre de déambuler comme il le souhaite dans cet espace et de se fabriquer sa propre soirée.
Comme pour toutes formes immersives vous les rassemblez pour le final ?
Richard Fournier : En effet ! Pour refaire communauté, on repart tous et toutes ensemble vers le chapiteau du Plongeoir pour la seconde partie de soirée. Le public est convié à s’installer sur la piste – qui leur est normalement interdite – où on va leur servir un repas ! Pendant ce temps-là, les propositions artistiques se poursuivent avec notamment, un duo de vélo acrobatique réalisé par Amanda Delgado et Alejo Gamboa – qui va être complètement immersif au milieu des tables – et une performance du jongleur Johan Swartvagher, en duo avec un batteur.
C’est presque une nuit blanche…
Richard Fournier : On va aller jusqu’à 1h00 du matin ! Johan Swartvagher va commencer à jongler dès que les premiers spectateurs arrivent et ne s’arrêtera qu’à partir du moment où le dernier sera parti ! Ce qui est intéressant c’est comment aborder l’atypique et de créer l’événement.
La Nuit du Cirque, comme les Festivals, tel Circa sont des événements très importants, fédérateurs… autant pour le public que pour les programmateurs…
Richard Fournier : Circa est l’un des grands rendez-vous de la profession. C’est un endroit de découvertes et de rencontres avec la pratique amateur, et la présence des écoles françaises et européennes qui permettent aux spectateurs de découvrir des spectacles et de s’immerger dans une ambiance tout en profitant des rencontres informelles qui vont se créer avec les artistes. Il y a une autre discussion qui va se créer et qui va se produire.
Vous avez aussi votre festival, Le Mans fait son Cirque…
Richard Fournier : Il se déroule en juin et vient clôre une saison entière ! On travaille quelque chose d’assez atypique autour de la saison qui est constituée de sept temps forts, rythmés par des fils rouges et par des sorties de résidence. Pendant l’année nous accueillons plus de 40 compagnies en résidence. Ce festival est le point d’exclamation de notre saison ! Pour nous, le festival, c’est aussi la rencontre des différentes écoles supérieures, avec notamment la présence de Esacto’Lido et du CNAC, où on accueille les troisièmes années en plateau où l’on favorise des temps d’échange avec les étudiants et les étudiantes, mais également avec les jeunes élèves des pratiques amateurs. Ça participe à l’émulation de la filière. Ce qui est important pour nous, c’est de créer un événement, quelque chose de vertueux, à la fois pour le public, les artistes, et de recréer un moment convivialité pendant 10 jours.
En juin 2023, vous avez reçu le label Pôle National du cirque, une belle reconnaissance…
Richard Fournier : Ce label vient consacrer plusieurs années de travail. La spécificité du Plongeoir c’est de faire uniquement du cirque. C’est un projet qui est assez atypique parce qu’il convoque également la pratique amateur. Donc, au Plongeoir, nous soutenons la création et la diffusion, tout en poursuivant la pratique amateur avec 550 élèves qui sont inscrits toute l’année. Nous sommes partenaires d’un lycée au Mans qui propose la spécialité Cirque au Bac.
Ce projet de « cirque au quotidien » que nous portons permet évidemment d’œuvrer en faveur du cirque. Nous sommes implantés dans un quartier prioritaire de la ville du Mans. Le cirque va être un prétexte à la rencontre et à l’émancipation. Le chapiteau permanent qui a été inauguré en novembre 2022, a été pensé, comme un lieu de vie pour les habitants du quartier, les voisins, les voisines, les parents d’élèves et les artistes qui vont se rencontrer de manière informelle. Si au Plongeoir on apprend à faire du cirque à partir de trois ans, on peut aussi le pratiquer quelque soit son âge ! Venir au cirque, c’est aussi pouvoir découvrir des métiers, rencontrer l’autre et parfois se départir de préjugés en exerçant sa curiosité.
Les arts du cirque ont pris une belle place dans la société…
Richard Fournier : Tout à fait. Le cirque est le dernier né, et pourtant il est un des plus vieux arts et le plus populaires ! C’est un art qui est parti des écritures un peu traditionnelles et qui s’est émancipé du numéro, de la performance, pour aller chercher d’autres codes de la création artistique. C’est un art qui a l’habitude d’aller se métisser à d’autres arts, du théâtre, de la danse, de la musique, de la rue et qui a cette intelligence de pouvoir travailler avec d’autres codes. Un art qui nécessite une hygiène de vie et de travail assez rigoureux.
Ce sont des professionnels qui s’entraînent tous les jours et qui ont besoin de lieux qui leur sont dédiés. C’est un art majeur qui reste sous-doté. Nous avons en France, trois écoles supérieures ! Il faut aussi que le cirque s’émancipe de son histoire, du bricolage, de la débrouille, pour bénéficier de réels moyens afin de travailler dans de meilleures conditions au service de la création.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
La nuit du Cirque
Du 15 au 17 novembre 2024
Voyage 2 nuits dans le cadre de La nuit du cirque
Le Plongeoir Pôle National de Cirque
Les 15 et 16 novembre 2024