Lisa Guez retrouve les six merveilleuses comédiennes avec lesquelles, elle avait créé Les Femmes de Barbe Bleue. Présenté en 2019 au Festival Impatience, manifestation qui met à l’honneur les créations de jeunes compagnies émergentes, le spectacle avait été récompensé du Prix du Jury et de celui des Lycéens. Cinq ans plus tard, nourries de leurs expériences, ces filles douées reviennent nous emballer avec Psychodrame, qui touche du doigt les défaillances de la société contemporaine.
Soigner par le théâtre
En psychanalyse, un psychodrame n’est pas un mot destiné à définir l’action de transformer un problème en tragédie ! C’est une forme d’art-thérapie où le patient avec, l’aide des soignants, « joue » et « met en scène » ses maux. Cela demande du temps, de l’engagement de la part des deux parties, et des moyens. Même si le gouvernement vient de décréter la santé mentale « grande cause nationale 2025 », les budgets alloués à cette pratique ne sont pas suffisants parce que non prioritaire.
Quand le spectacle démarre sur cette salle presque désaffectée, rien qu’aux lumières blafardes des néons, le public sait qu’il se trouve en milieu hospitalier, où rien n’a jamais été conçu pour qu’on s’y sente bien. Dommage cela ferait partie de la guérison ! Il y a aussi quelque chose de carcéral. Normal, puisque l’on y enferme les « fous » ! On soulignera également le remarquable travail de la scénographe Lila Meynard qui a mis en place un beau terrain de jeu.
Un terrain d’investigation théâtrale
Tout comme pour leur précédent spectacle, celui-ci part d’une écriture collective. L’équipe est allée sur le terrain rencontrer des psychologues, psychiatres et « psychodramatistes » comme Géraldine Rougevin. Sous la houlette de Lisa Guez et de la dramaturge Sarah Doukhan, les comédiennes se sont emparées de cette matière. Elles ont improvisé des scènes, composé des personnages qui deviennent six soignantes et quatre patientes prises dans la menace de voir l’atelier de psychodrame fermer.
Elles sont très vivantes et humaines ces doctoresses qui se donnent à fond dans leur métier. Chacune a pourtant ses problèmes, dans lesquels résonnent les nôtres. Il y a les simples, d’ordre domestique , et ceux plus enfouis. Elles possèdent des caractères bien trempés qui colmatent leurs failles. Les quatre patientes sont fracassées par la vie. Il y a la femme qui ne veut pas être mère – personnage très inspiré du Papier peint jaune -, l’étudiante mal dans sa peau qui a harcelé une camarade, une louloutte de banlieue bagarreuse qui ne sait pas parler aux autres, une femme-serpent qui a manqué cruellement d’affection. Fernanda Barth, Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour et Jordane Soudre sont absolument remarquables. Jouant sur plusieurs registres, ces comédiennes douées apportent toutes les nuances nécessaires pour ne jamais tomber dans la caricature.
Une pièce chorale orchestrée de main de maître
La mise en scène de Lisa Guez est d’une efficacité redoutable. Tout est fluide dans ces enchaînements de scènes. Il en est de même pour les changements de rôles, car Fernanda Barth, Valentine Bellone, Anne Knosp et Valentine Krasnochok incarnent également les patientes. Après Les femmes de Barbe Bleue, On ne se sera jamais Alceste, Loin dans la mer, Vertébrés, cette jeune femme s’inscrit avec ce spectacle dans la liste des artistes sur lesquels on va devoir compter !
Marie-Céline Nivière
Psychodrame, conception et mise en scène de Lisa Guez
Spectacle créé du 8 au 12 octobre 2024 à la Comédie de Béthune
Durée 2h
Tournée
14 et 15 novembre 2024 au Théâtre Jean Vilar, Suresnes
26 au 30 novembre 2024 au ThéâtredelaCité, CDN Toulouse Occitanie
3 au 12 décembre 2024 au Théâtre de la Ville – Les Abbesses, Paris
Ecriture collective de Fernanda Barth, Valentine Bellone, Sarah Doukhan,
Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Nelly Latour, Clara Normand et Jordane
Soudre dirigée par Lisa Guez
Avec Fernanda Barth, Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok,
Nelly Latour et Jordane Soudre
Collaboration à la mise en scène et à la dramaturgie et costumes Sarah Doukhan
Création lumières et scénographie de Lila Meynard
Réalisation du décor dans les Ateliers de construction du ThéâtredelaCité sous la
direction de Michaël Labat
Création sonore et musicale Louis-Marie Hippolyte (Louma Hipp)
Conseil scientifique Géraldine Rougevin-Baville
Collaboration artistique et production Clara Normand
Regard chorégraphique Cyril Viallon