Célibataire, sans enfant, Éric Feldman fait le bilan de sa vie. Aurait-il connu une autre destinée et être à la tête d’une grande famille, si l’Histoire n’avait pas percuté de plein fouet ses ancêtres ? De ce postulat, à la manière d’un Popeck, il remonte le fil de ses souvenirs, ainsi que ceux de son père, de sa tante, de son oncle et de se son grand-père Moshé. Tous ont survécu à la Shoah, mais à quel prix…
Traversé par toutes les émotions, tantôt dépressif, tantôt euphorique, parfois prosaïque mais le plus souvent rêveur mélancolique, il imagine sa vie à coup de « et si ». Comment aurait été le monde, si Adolf Hitler avait rencontré Sigmund Freud et avait été analysé par le psychanalyste autrichien ? Et si le Führer avait fait du yoga aurait-il été un dictateur ? Aurait-il existé si son père, caché sous un duvet, avait été embarqué par la gestapo lors de la rafle du Vel’ d’hiv’ en 1942… qui sait ?
D’hypothèses farfelues en improbables conjectures, il esquisse son autoportrait de neurasthénique absolument pas vraiment triste, ou si peu. Empruntant à l’humour juif son autodérision et son sens de l’absurde, il navigue comme un poisson en eaux troubles. Toujours sur le fil, il s’amuse de la prononciation des noms de famille et des lieux. Ainsi doit-on dire « Singère » à la française, « Singuère » comme la marque de machine à coudre ou « Thingeur » à l’américaine ? Pourquoi les français disent-il Aujeuwitze et non Auschwitz ?
Jouant des mots et des paradoxes, Éric Feldman, porté par la mise en scène minimaliste d’Olivier Veillon, habite la scène, Assis sur sa chaise du début à la fin, ou presque, animé de tics en tocs ou du tac au tac, il fait de sa prose l’élément central de ce seul-en-scène qui peut par moment laisser bien dubitatif. Entre devoir de mémoire absolument nécessaire et évocation égocentrée d’une existence soumise aux coups du sort, le comédien et auteur joue les équilibristes. Et « finalement« , et non « au final« , comme il aime à le rappeler, la vie aussi déroutante qu’elle soit, l’emporte entre rires et drames !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Strasbourg
On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie d’Eric Feldman
TNS – Théâtre national de Strasbourg
1 Avenue de la Marseillaise
67000 Strasbourg
du 12 au 22 novembre 2024
durée 1h10
Tournée
27 novembre – 15 décembre 2024 au Théâtre du Rond-Point, Paris
31 janvier 2025 Théâtre des Bains Douches, le Havre (76)
4 février 2025 Théâtre de la Madeleine, Troyes (10)
Avec Éric Feldman
Mise en scène et collaboration à la dramaturgie – Olivier Veillon
Soutien amical à la dramaturgie et à la mise en scène – Joël Pommerat