Dans l’armée, tu rentres dans le rang. Tu n’as pas le choix. Suivre le mouvement, la cadence infernale, être dans la norme et surtout ne pas se poser de question. Le jeune Woyzeck aimerait bien contenter son capitaine, mais c’est un moins que rien, il a beau essayer, il n’y arrive pas. Déprécié, souffre douleur de ses camarades, il a bien du mal à garder la tête froide, à ne pas vaciller. Ce n’est que le début de la fin pour cet homme qui aurait pu être sans histoire.
L’amour le perdra ou plutôt une jalousie maladive. En couple depuis trois avec la belle Marie dont il a un enfant, il perd pied, ne supporte pas son comportement aguicheur avec les autres militaires. Un cadeau, de belles boucles d’oreilles brillantes vont déclencher sa folie meurtrière et son goût du sang. Mais est-il vraiment coupable ?
Pour s’assurer de ses aveux, un médecin militaire teste sur lui une nouvelle machine expérimentale basé sur le son : chaque fréquence stimule spécifiquement une zone différente du corps déclenchant à terme des aveux par torture chez le sujet. Plongé dans une cage de verre qui se remplit d’eau au fur et à mesure de l’expérience, Woyzeck délire et sombre dans la folie et reconnaît son crime.
Une expérience grandeur nature
Il fallait des artistes dingues, déments et hors normes comme Karelle Prugnaud, Eugène Durif et Bertrand de Roffignac pour transformer la pièce de Büchner en une expérimentation artistique, qui oscille en permanence entre performance et installation plastique. Rendre la plus réelle possible l’aliénation mentale qui s’empare de Woyzeck soumis à la question, est le chemin délirant et barré qu’ils empruntent allègrement et follement.
Se donnant à mille pour cent, voire au-delà, entre cris et fureur, le comédien révélé à Avignon en 2022 dans Ma jeunesse exaltée d’Olivier Py, n’en finit pas de surprendre. Démesuré et inclassable, il brûle les planches. Aimer ou ne pas aimer une telle prestation délirante n’est pas tant la question… C’est l’expérience scénique qui l’emporte sur tout reste. À chacun de se mettre à la place de Woyzeck et de tester sa résistance…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Moins que rien d’Eugène Durif d’après Woyzeck de Georg Büchner
Théâtre 14
14 Avenue Marc Sangnier
75014 Paris
du 26 novembre au 7 décembre 2024
Durée 1h
Mise en scène de Karelle Prugnaud
Avec Bertrand de Roffignac
Création Sonore de Kerwin Rolland
Scénographie de Gérald Groult
Plasticien – Tarik Noui