Marcial Di Fonzo BO © Christophe Martin
Marcial Di Fonzo BO © Christophe Martin

Marcial Di Fonzo Bo : « Une nouvelle direction implique de nouvelles rencontres »

À la tête du Quai CDN Angers Pays de la Loire depuis janvier 2024, après avoir dirigé pendant neuf ans la Comédie de Caen, le comédien et metteur en scène argentin est porteur d’un nouveau souffle où cohabitent fidélité, valeurs sûres et ouverture vers d’autres univers artistiques.

Marcial Di Fonzo Bo : L’idée est évidemment de ne pas reproduire ce que j’avais déjà fait à Caen, mais de proposer quelque chose de différent, adapté au territoire angevin et surtout qui m’oblige en tant que directeur et artiste à sortir de ma zone de confort et de me déplacer. Le Quai est un fabuleux outil qui a ses propres particularités. Il est en centre-ville, contrairement à La Comédie de Caen dont la grande salle est à la périphérie à Hérouville St Clair

Le territoire est par nature différent. Les publics aussi. D’autant plus qu’ici, il y a moins d’autres structures, que ce soit en ville (le Grand théâtre, le THV de Saint-Barthélemy-d’Anjou et un tiers-lieu, et plusieurs manifestations importantes mais ponctuelles), ou dans la région où nous sommes le seul CDN. Chaque année, Le Quai accueille plus de 50 000 spectateurs sans compter les activités du Cndc et celles proposées gratuitement dans le forum. Avec l’équipe, nous avons dû penser des axes qui soient en adéquation avec cet ensemble de données mais aussi avec mon propre travail artistique.

© Le Quai - CDN Angers Pays de Loire
© Le Quai – CDN Angers Pays de Loire

Marcial Di Fonzo Bo : Le plus important est que la création soit au cœur du projet. Le Quai est un lieu de production qui soutient un certain nombre de propositions et d’équipes à l’année. Nous nous sommes tout d’abord entourés d’un ensemble d’artistes que nous avons associés au CDN. Je souhaitais partir sur de nouvelles collaborations et envisager d’autres regards et d’autres esthétiques, et évidement une nouvelle génération de créateurs. C’est pour cela que j’ai sollicité Tiphaine Raffier, Gurshad Shaheman et continué la collaboration avec le duo de concepteurs que forment Marcus Lindeen et Marianne Ségol, et enfin l’autrice Sonia Chiambretto. Il était aussi crucial de faire appel à des compagnies et des artistes qui travaillent en région comme Nathalie Béasse et le collectif du Nouveau Théâtre Populaire.

Par ailleurs, je voulais développer une dimension internationale : je l’avais initiée à Caen, et je tenais à la poursuivre. En invitant le public à découvrir d’autres cultures, d’autres façons de créer, on l’ouvre sur le monde. En ces temps de repli identitaire, c’est primordial. Avec Nantes, nous sommes en train de mettre en place un pôle international de création dont l’objectif est de permettre une meilleure circulation des spectacles et des artistes avec le souci de réduire l’empreinte carbone, et de mieux accompagner la circulation des artistes en Europe. En parallèle de cela, nous mettons en place dès cette saison des versions françaises de créations qui ont été réalisées à l’étranger.

C’est le cas notamment de Portrait de l’artiste après sa mort de David Carnevali création du Piccolo Teatro de Milano et du Cœur du mal d’Alejandro Tantanian au Teatro Español de Madrid. Et réciproquement, nous venons de recréer avec Élise Vigier, en ouverture du Festival franco-vénézuélien des arts du spectacle de Caracas, M comme Méliès en espagnol. Ainsi nous affirmons la place du Quai comme une grande maison de production en Europe.

En outre, en écho au Cndc – Centre national de danse contemporaine- dirigé par Noé Soulier,  nous allons mettre en place à partir de 2026 une Académie Européenne Expérimentale. Elle réunirait une douzaine d’artistes, qu’ils soient interprètes, danseurs, performeurs ou metteurs en scène et constituera une troupe qui pendant une ou deux saisons s’installerait au Quai. L’objectif est de faciliter la professionnalisation de jeunes artistes sortis d’écoles en Europe, et de participer au brassage culturel entre les différents pays.

Dolorosa, trois anniversaires ratés de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, photo de répétition © Pascal Gély
Dolorosa, trois anniversaires ratés de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, photo de répétition © Pascal Gély

Marcial Di Fonzo Bo : C’est autrement plus complexe que quand je suis comédien ou metteur en scène. En tant que directeur de CDN, ce sont d’autres critères qui m’animent. Déjà, il faut tenir compte du projet que je porte pour le lieu. C’est d’autant plus compliqué qu’il faut composer avec différentes données : Le Quai d’Angers est à la fois une maison de production et une maison d’accueil. Nous hébergeons dans nos murs, depuis la fusion en 2016 deux structures juridiques le CDN et l’EPCC, ainsi que le Cndc, qui régulièrement présente les créations de Noé Soulier, son directeur, mais aussi des spectacles d’autres chorégraphes, en dehors du travail de son école.

Par ailleurs, il est important d’imaginer une saison qui touche différents publics et s’adresse au plus grand nombre, à toutes les catégories sociales et à tous les âges. C’est notre rôle en tant que service public. Avec Jacques Peigné, directeur délégué, nous devons donc faire attention à équilibrer notre programmation. Si le théâtre est prépondérant, la danse, la musique, le cirque et les arts visuels ont aussi une place importante. Nous devons faire la part belle aux jeunes artistes, aux collectifs, sans pour autant laisser de côté les classiques. Nous avons trois salles à notre disposition, ainsi on peut moduler petit et grand plateau, seul-en-scène et grands formats. Le spectre est très large.

Portrait de Raoul de Philippe Minyana - Raul Fernandez © Jean-Louis Fernandez
Portrait de Raoul de Philippe Minyana, Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo © Jean-Louis Fernandez

Marcial Di Fonzo Bo : Le principe est simple : mettre en lumière un interprète et un auteur, une autrice.  Cela permet de personnifier une écriture. Durant une dizaine de jours, nous présenterons huit spectacles, quasiment tous sont des seuls-en-scène.  Dans ce cadre, nous présenterons notamment Habiter de Patricia Allio avec Pierre Maillet, Il s’en va de Philippe Minyana la suite de Portrait de Raoul, que je mettrais en scène, Arcadie d’Emmanuelle Bayamack-Tam porté par Constance Larrieu sous la direction de Sylvain Maurice, Le Colonel des zouaves d’Olivier Cadiot adapté par Ludovic Lagarde et interprété par Guillaume Costanza, Laurène Marx qui performe ses propres textes dans Je vis dans une maison qui n’existe pas et Marilù Marini interpréta la philosophe argentine, Maria Negroni, dans Le Cœur du mal.

Marcial Di Fonzo Bo : Sur les 55 spectacles que nous programmons, presque une dizaine sont des créations ou des coproductions. C’est beaucoup de travail pour les équipes certes, mais une chance par les temps qui courent. Nous avons pensé cette saison comme une présentation de notre travail et de notre projet et celui de nos artistes associés. Tous présenteront des œuvres déjà créées, Oasis Love de Sonia Chiambretto, La Réponse des Hommes de Tiphaine Raffier, Memories of kind de Marcus Lindeen, Les Forteresses de Gurshad Shaheman. Seule Nathalie Béasse et le Collectif Nouveau Théâtre Populaire présenteront des créations cette année.

Portrait de l'artiste après sa mort (France 41 – Argentine 78) de Davide Carnevali © Victor Tonnelli
Portrait de l’artiste après sa mort (France 41 – Argentine 78) de Davide Carnevali © Victor Tonnelli

Marcial Di Fonzo Bo : C’est une nécessité pour les artistes de se renouveler et de se confronter à d’autres points de vue. Par ailleurs, il est important pour ne pas tourner en rond et s’enfermer dans des schémas de faire appel à une nouvelle génération d’artistes. Ce n’est pas pour autant qu’il faut nier les autres. Cette saison, nous faisons cohabiter Alain Françon, Matthias Langhoff, François Tanguy, Maurin Ollès et Marion Duval.

Par ailleurs, dans notre mission de CDN, on nous enjoint fortement à travailler avec les compagnies régionales et locales. C’est à mon sens un acte militant et un travail de longue haleine pour les identifier et mettre en place des ponts entre leur structure et la nôtre. Depuis ma nomination, Jacques (Peigné) arpente le territoire pour aller à leur rencontre.

Tout comme pour la parité homme femme, ou les questions de diversité au plateau, il faut être volontaire sur ces sujets. Je n’étais pas favorable au quota, car pour moi c’est une question de bon sens, et nous y sommes très attentifs depuis notre direction de la Comédie de Caen. Force est de constater que pour avancer sur ce point il faut encore faire évoluer les mentalités et mettre en places de nouvelles règles. Nous avançons dans ce sens collectivement avec l’association des Centres dramatiques, pour donner l’exemple aux différents labels en France et au-delà.


Le Quai CDN Angers Pays de Loire
Cale de la Savatte
49100 Angers


Portrait de l’artiste après sa mort – (France 41 – Argentine 78) de Davide Carnevali
du 7 au 9 novembre au Quai – CDN Angers Pays de Loire

Tournée
15 au 27 novembre 2024 au Théâtre de la Bastille, Paris
15 et 16 janvier 2025 au Théâtre des Îlets, Centre dramatique national de Montluçon
20 au 22 février au Théâtre de Liège, Belgique
26 avril au 7 mai 2025 au Quai – CDN Angers Pays de Loire

mise en scène de Davide Carnevali assisté de Manuela Beltrán Marulanda
avec Marcial Di Fonzo Bo
Traduction de l’italien de Caroline Michel
Scénographie de Charlotte Pistorius
Lumières de Luigi Biondi
Musique originale de Gianluca Misiti
Régie technique – Vincent Bedouet, Loïc Le Bris, Antonin Subileau.
Le décor du spectacle a été réalisé par l’Atelier de scénographie du Piccolo Teatro di Milano

Dolorosa, trois anniversaires ratés de Rebekka Kricheldorf
création le 1er octobre 2024 au Quai – CDN Angers Pays de la Loire
durée 2h environ

Tournée
6 au 8 novembre 2024 au TnBA – Théâtre national Bordeaux Aquitaine

25 au 28 février 2025 au Quai CDN Angers Pays de la Loire
5 au 15 mars 2025 au Théâtre du Rond-Point, Paris

19 au 27 mars 2025 au Théâtre National de Bretagne, Rennes

Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo assisté de Margot Madec
avec Juliet Doucet, Marie-Sophie Ferdane, Jean-Christophe Folly, Elsa Guedj, Camille Rutherford, Alexandre Steiger
Traduction de Leyla-Claire Rabih, Frank Weigand, et André Markowicz, Françoise Morvan pour les passages d’Anton Tchekhov
Scénographie de Catherine Rankl
Dramaturgie de Guillermo Pisani
Musique d’Étienne Bonhomme
Costumes de Fanny Brouste
Lumières de Bruno Marsol
Conseil à la distribution – Richard Rousseau
Régie technique – Olivier Blouineau, Rachel Brossier, Jean-Philippe Geindreau, François Mussillon
Réalisation du décor – Ateliers de décors de la Ville d’Angers

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