Décidément, le TNB innove, cherche et creuse tous azimuts. Que ce soit au niveau des esthétiques, des formes et des récits, l’éclectisme et la curiosité semblent être la ligne directrice de la programmation de son festival. Pour cette huitième édition, valeurs sûres et découvertes se partagent l’affiche. De Lorraine de Sagazan à Mila Turajlić, de Boris Charmatz à Alice Vannier ou Malicho Vacca Valenzuela, les univers se confrontent et se conjuguent dans une joyeuse ambiance.
Au Centre chorégraphique national de Rennes, dirigé depuis janvier 2019 par le Collectif FAIR-E, Valérie Mréjen, artiste associée du TNB, poursuit son exploration des petites absurdités du quotidien. S’intéressant à la vie réelle ou fantasmée de la comédienne Charlotte Clamens, elle se nourrit des mésaventures de cette dernière et les transforme en matière drôle et décalée, terreau d’un hypothétique spectacle.
Face à face ubuesque
Une immense table, sur laquelle sont posés deux vieux cartons, un tabouret jaune et une chaise noire servent d’unique décor. L’une après l’autre, les deux artistes entrent et s’installent. Chacune à ses petites affaires, chacune cherchant son petit confort. Charlotte parle, évoque quelques souvenirs tous plus cocasses les uns que les autres. Valérie écoute et note. Telles des duettistes, la comédienne et l’autrice échangent au-delà des mots. Un geste, un regard ou une émotion construisent imperceptiblement une performance des plus joyeusement absurdes.
Des abracadabrantes péripéties qui jalonnent la vie de Charlotte Clamens aux questions totalement décalées et hors propos de Valérie Mréjen, une histoire se dessine, burlesque et déjantée. On rit d’une bêtise, d’un drame surréaliste, on se délecte d’un sac oublié dans le TGV, d’improbables répétitions dans un musée ouvert aux quatre vents. Jamais en manque d’anecdotes, la comédienne recompose par fragments une existence pleine de surprises, dont l’écrivaine s’empare avec gourmandise pour souligner avec humour et ingéniosité ces petites choses banales qui empoisonnent la vie, mais en font tout son sel.
Du silence et du bruit
Être sourd dans un monde d’entendants, se confronter à l’autre, tel est le sujet qu’abordent avec humour et légèreté Jonny Cotsen et Gareth Clark. Le premier est né sans percevoir les sons du monde, l’autre est metteur en scène. L’un questionne son handicap depuis longtemps et travaille comme consultant dans le milieu de l’art pour sensibiliser sur ces questions d’accessibilité à tous, l’autre souhaite mettre en lumière le monde ouaté dans lequel vit Jonny. La rencontre fait des étincelles et donne naissance à un one-man-show tendre et caustique.
Gouailleur, Jonny habite la scène de ses facéties, de son autodérision et de sa capacité à retourner les situations. Inversant les rôles, il place non sans mordant les entendants à la marge, s’amuse de leur incapacité à lire sur les lèvres ou de comprendre la langue des signes. Mettant le public à contribution par le geste et le chant, il brise le quatrième mur et propose une immersion dans son univers qui questionne notre rapport à l’autre. Touchante, la performance doit beaucoup à sa personnalité attachante et solaire. En faisant de sa surdité, une force, il déboulonne les préjugés. On peut regretter que le propos reste quelque peu à la surface, mais ne boudons pas le plaisir de cette heure passée en compagnie d’un sacré bonhomme !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Rennes
Festival du TNB
TNB – Théâtre national de Bretagne
Du 13 au 23 novembre 2024
Comment se débarrasser de son crépi intérieur de Valérie Mréjen et Charlotte Clamens
CCN de Rennes et de Bretagne
Durée 1h environ
Louder is not always clearer de Gareth Clark et Jonny Cotsen
Salle Parigot – TNB
Durée 1h05
Mise en scène de Gareth Clark assisté de Marega Palser
Chorégraphie de Catherine Bennett
Lumières et régie générale de Ceri Benjamin
Son de Christopher Young
Scénographie de Jorge Lizalde