Blanc. Du sol au plafond, tout est blanc à la Ménagerie de verre. Bryana Fritz, qui présente Submission, Submission, pièce créée en 2022, ne déroge pas à la règle. C’est en tenue immaculée qu’elle se présente au public du festival les Inaccoutumés et s’adresse à lui de l’escalier pour donner les quelques pistes de réflexions qui animent sa démarche artistique. Entraînant les spectateurs dans un univers entre performance et poésie, elle donne corps et voix aux saintes d’hier qui ont vu leurs existences transcendées par Dieu.
Hagiographies et interprétations
Elles sont douze à avoir retenu son attention. Toutes ont vécu au Moyen-Âge. Certaines ont été sacrifiées, violentées, d’autres portées par la parole de Dieu sont devenues des mystiques. À chaque représentation, elle ne dévoile que quatre portraits. Ce soir, Hildegarde de Bingen, Catherine de Sienne, Christine de Bolsena et Jeanne d’Arc s’invitent au plateau dans des performances tant physiques que numériques.
Corps en transe ou absents, mots susurrés ou projetés sur le fond de la scènes, l’artiste chicagoane multiplie les entrées et conjugue au pluriel les arts pour faire exister ces femmes uniques, ces bienheureuses que la religion a sanctifiées. L’idée n’est pas tant de raconter leur histoire que de les incarner au temps présent. En se laissant traverser par leurs auras qui ont marqué l’histoire du catholicisme, elle tente de réinventer leurs vies, leurs passions, leurs morts et de dépasser les images d’Épinal ancrées dans l’inconscient collecti
Subversives parfois, habitées toujours, les performances de Bryana Fritz déroutent ou émerveillent, en tout cas, ne laissent pas indifférents. Un travail à suivre notamment dans sa prochaine création, qu’elle présentera à l’Espace Pasolini de Valenciennes dans le cadre du Festival Next. Avec Chloe Chignell et Stefa Govaa, elle poursuit son exploration du féminin médiévale et radicale en s’intéressant aux béguines, ces femmes laïques qui vivaient ensemble et pratiquaient collectivement leur religion en dehors de la juridiction de l’Église.
Batterie et pulsations
La soirée se poursuit avec une nouvelle étude du mouvement imaginé par Aina Alegre. Initié en 2018, ce cycle de performances consacrées à la manière dont le corps réagit aux pulsations extérieures. Après le monde industriel, la chorégraphe barcelonaise s’attache à ressentir au plus profond de son être les martèlements provoqués par la pratique de la batterie. Née de rencontres avec plusieurs batteuses de différents styles musicaux, cette nouvelle performance extrêmement physique met le corps de l’artiste sous haute tension.
Plus qu’habitée, Aina Alegre rentre en résonance avec les paroles de ces femmes qui ont dû s’imposer dans un monde d’hommes. Empruntant autant à la corrida qu’au flamenco ou à la danse classique, elle ne fait qu’une avec les vibrations des cymbales, des fûts et de la grosse caisse. Danse nerveuse, itérative, gestes d’une précision extrême, elle tourne, virevolte, frappe le sol. Dans un espace nimbé d’une lumière aux néons, chronomètre rythmant chaque succession de mouvements, l’artiste devient vibration sonore et transforme la pratique de la batterie en chorégraphie pure. intense et sublime !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Festival Les inaccoutumés automne 2024
du 3 octobre au 21 novembre 2024
La Ménagerie de Verre
12, rue Léchevin
75011 Paris France
Submission, Submission de Bryana Fritz
Chorégraphie et interprétation de Bryana Fritz
Dramaturgie de Tom Engels
Musique partiellement basée sur Monsters de Heavens to Betsy, Hamster Baby de Bikini Kill et Like a Prayer de Madonna
Réverbérations — Étude 8 d’Aina Alegre
Collaboration artistique et visuelle – Jan Fedinger
Regard extérieur – Capucine Intrup
Conseil et montage sonore – Nicolas Martz
remerciements aux batteuses, Marta Urdiales, Laia Fortià, Núria Perich, Mercè Ros, Emilie Rambaud pour les conversations qui ont nourri ce projet.