Vincent Dissez © Jean-Louis Fernandez
Vincent Dissez © Jean-Louis Fernandez

Vincent Dissez, acteur pluriel et artiste multiple 

De Sylvain Maurice à Ludovic Lagarde, en passant par Stanislas Nordey ou Bernard Sobel, le comédien ne cesse de réinventer un jeu tout en délicatesse et intensité. Curieux et avide de nouvelles expériences, il fait sa rentrée théâtrale dans La Fin des temps du prometteur Guillaume Cayet.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Un spectacle de marionnettes. Je suis en maternelle. Je vois qu’on a suspendu un rideau entre deux barres en métal dans le réfectoire et cet espace dans lequel on vient tous les jours pour la cantine est complètement transformé. Il y a une magie qui s’installe parce que quelque chose nous est caché. Je sais que pendant le spectacle, dont le seul souvenir que je garde est ma déception que les voix des personnages aient été préenregistrées, j’étais obsédé par l’envie de voir ce qui se passait derrière. 

Le temps des fins, Guillaume Cayet © Christophe Raynaud de Lage
Le temps des fins de Guillaume Cayet © Christophe Raynaud de Lage

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Je ne me souviens pas d’une prise de décision. J’ai des souvenirs qui sont des confirmations de mon envie. Enfants, mes parents m’emmènent au cirque et après le spectacle, je suis encore dans les gradins, je reste là et je vois des gens qui installent des tables sur des tréteaux, des chaises, des assiettes. Je comprends qu’ils vont tous manger ensemble, ici, sur la piste. J’imagine leur vie et j’ai envie d’en faire partie. Ou alors, mais là je suis plus grand, je suis au collège, je vois Le Songe d’une nuit d’été mis en scène par Jean-Louis Hourdin. J’ai lu la pièce, ça a été une lecture laborieuse, mais la représentation est un miracle. Je vois la vie, l’inventivité, les points de vues, et je comprends tous les potentiels qui étaient dans les mots imprimés. Il y avait quelque chose de miraculeux dans cet écart entre ma lecture laborieuse, clichée àl’inventivité du spectacle. Et un peu plus tard je vois un spectacle du Radeau, et là je vis ça comme une hallucination (ce n’est pas une expression), je ne pouvais pas croire que ce que je voyais était réel. 

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?  
Ah ça c’est très concret et c’est encore lié aux spectacles que je vois enfant et adolescent. Sur scène, je vois des gens faire des choses qu’on n’a pas le droit de faire ailleurs : se grimper les uns sur les autres, se couvrir de boue, crier, se comporter comme des enfants, se jeter de la peinture sur le corps, parler dans des langues inventées, se mettre à poil. C’était ça au départ : des permissions qui n’étaient pas données ailleurs, et ces permissions étaient physiques. D’ailleurs, j’ai longtemps hésité entre être danseur ou comédien. Et puis j’ai rencontré Gabily qui a concilié ces deux envies.    

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Ubu, monté pendant un stage d’été.  Je ne sais pas en combien de temps on monte les deux pièces (Ubu roi et Ubu enchaîné) mais je viens de retrouver le bouquin et on fait plein de coupes. On a investi un collège d’une toute petite ville, on n’en sort pas, on dort dans l’internat, on mange ensemble, on répète, on est nombreux, d’âge différents et moi je suis très heureux dans cette bande. Quelqu’un vient nous faire travailler le clown, quelqu’un d’autre le chant. C’était très ambitieux. Notre référence absolue c’est Mnouchkine. Alors on fait ça, on monte Ubu comme du Kabuki, on fait de la musique, comme au Soleil, mais personne d’entre nous ne sait le faire. Très ambitieux et très naïf. Maintenant je me dis que ça devait donner quelque chose d’étrange et une relation très sacrée au plateau, peut-être pas inintéressante. 

Le temps des fins, Guillaume Cayet © Christophe Raynaud de Lage
Le temps des fins de Guillaume Cayet © Christophe Raynaud de Lage

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Pêle-mêle, de manière absolument pas exhaustive, je dirais Nelken de Pina Bausch, La Mort de Tintagiles, spectacle mis en scène par Claude Régy, Jerk de Gisèle Vienne, L’enfer de Roméo Castellucci. Et des spectacles que je n’ai pas vus mais qu’on m’a racontés (Bérénice/Grüber ; La dispute/Chéreau ; …)

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
Il y a la chance de rencontrer des gens habités par la création. Des metteuses et metteurs en scène qui travaillent au plus près de l’acteur, de l’actrice. Ceux-là souvent sont ou ont été acteurs ou actrices aussi. Il y a les rencontres qu’on a l’impression de rater au moment où elles se passent et qui agissent plus tard, parfois des années après. Celles-là sont très marquantes. Certains partenaires dont le talent infuse sur tout le plateau, donc sur vous. Une belle contamination. Des auteurs et autrices grâce auxquels notre pensée explore des chemins qui nous seraient restés inconnus. 

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Mais c’est le déséquilibre que je cherche. Si je me vois faire ce que je sais faire, ou si je me reconnais dans une chose déjà faite, je fuis, je me déplace. 

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Les autres. Les romans. Les animaux.

Grand Palais de Julien Gaillard et Frédéric Vossier,  Mise en scène de Pascal Kirsch - © Cie Rosebud
Grand Palais de Julien Gaillard et Frédéric Vossier, Mise en scène de Pascal Kirsch – © Cie Rosebud

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
À chaque fois comme si c’était la première fois et la dernière. 

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Partout dans mon corps et surtout chez le corps des autres. 

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Dans l’Atelier d’Alberto Giacometti, Genet note : « La plus belle statue de Giacometti – je parle d’il y a trois ans – je l’ai découverte sous la table, en me baissant pour ramasser mon mégot. Elle était dans la poussière, il la cachait, le pied d’un visiteur maladroit risquait de l’ébrécher…
Lui : Si elle est vraiment forte, elle se montrera, même si je la cache. »
Avec des gens qui gardent quelque chose de cet esprit-là. 

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Un projet raisonnable : Une métamorphose de la société qui bouleverserait notre rapport avec la nature. 

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un ready-made. 


Le temps des fins de Guillaume Cayet
vu à La Comédie de Valence en mai 2024
Place Charles-Huguenel 26000 Valence
Du 22 au 30 mai 2024
Durée 2h35

Tournée
Du 7 au 19 octobre à  Théâtre Ouvert, Centre National des Dramaturgies Contemporaines, Paris
Les 13 et 14 novembre au Théâtre du Point du Jour, Lyon
Du 3 au 6 décembre au Théâtre de la Manufacture, CDN Nancy-Lorraine
Le 10 décembre ACB Scène nationale Bar-Le-Duc
Le 24 janvier 2025 Centre Culturel La Ricamarie
Les 29 et 30 janvier 2025 Théâtre des Îlets, CDN de Montluçon
Les 11 et 12 février 2025 Scène nationale de l’Essonne
Le 4 avril 2025 Espace 1789, Saint-Ouen
Du 12 au 17 mai 2025 Théâtre de la Cité internationale, Paris

Texte et mise en scène Guillaume Cayet
Avec Marie-Sohna Condé, Vincent Dissez, Mathilde Weil et la participation d’Achille Reggiani
Scénographie Cécile Léna
Lumière Kevin Briard
Création sonore Antoine Briot
Vidéo Julien Saez
Costumes Patricia De Petiville, Cécile Léna
Création masques Judith Dubois
Collaboration artistique Julia Vidit
Création musicale Anne Paceo
Avec les voix de Cynthia Abraham, Laura Cahen, Paul Ferroussier, Celia Kameni, Florent Mateo et Isabel Sörling 
Avec la participation de Jazz Action Valence et Paul Ferroussier
Conseiller littéraire Jean-Paul Engélibert
Équipe artistique pour la version LSF Anthony Guyon, Lisa Martin, Géraldine Berger de la Compagnie ON OFF

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