Splendeurs et misères © Christophe Raynaud de Lage
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Notre comédie humaine, l’expérience Balzac du Nouveau Théâtre Populaire

Artiste associé à La Criée à Marseille, le NTP présente pour la première fois l’intégrale de sa nouvelle création fleuve, une plongée dans l'univers prolixe de l'écrivain français.

L’œuvre de Balzac est sans doute l’une des productions les plus denses qui puissent être adaptées de la littérature romancière vers la scène. Pas de quoi effrayer le Nouveau Théâtre Populaire qui développe une forme repensée de théâtre qui se diffuse, depuis 2021, au-delà de son village originel de Fontaine-Guérin dans le Maine-et-Loire. Et si, pour leur dernière aventure en date, les membres de la troupe ont malgré tout dû faire des choix dans les récits issus de La Comédie humaine, c’est à une expérience pleine et généreuse qu’ils se sont prêtés en investissant l’entièreté de La Criée le temps d’une journée. Réunissant pour la première fois les trois volets indépendants de Notre comédie humaine dans une intégrale, ils ont ainsi embarqué les spectateurs dans une intense traversée d’une société inspirée des écrits de Balzac.

Les Belles Illusions de la jeunesse © Christophe Raynaud de Lage

Il y a quelque chose de l’ordre de l’utopie artistique retrouvée à assister à une représentation du Nouveau Théâtre Populaire, qui introduit chacune de ses représentations par le manifeste qui régit le collectif. Parmi les principes énoncés en prémisse à toute forme de théâtre, la notion de troupe, au sein de laquelle les rôles se partagent et s’équilibrent indifféremment entre les différents membres, apparaît comme essentielle. De même, le principe consistant à présenter plusieurs pièces a, depuis quinze ans, contribué à donner à ce groupe une identité artistique unique bien que composite. C’est précisément dans cette dynamique qu’a été imaginée Notre comédie humaine, un mouvement intégral de sept heures qui regroupe notamment les trois pièces créées d’après Balzac, principaux rendez-vous de ce marathon.

Car avant de contribuer à une performance de longue haleine, les créations qui la composent ont leur existence propre, chacune imaginée par l’un des membres de la troupe mettant en scène ses camarades. Ainsi Notre comédie humaine regroupe-t-elle, sous son titre générique, trois épisodes distincts inspirés des romans de Balzac : Les Belles Illusions de la jeunesse mis en scène par Émilien Diard-Detœuf, Illusions perdues sous la patte de Léo Cohen-Paperman associée à celle de Julien Campani et Splendeurs et misères conçu par Lazare Herson-Macarel. Liées les unes aux autres a fortiori par leur origine commune (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes), ces étapes s’assemblent par ailleurs au gré des intermèdes, orchestrés par Pauline Bolcatto et Sacha Todorov, qui animent les entractes et glissent public et personnages d’un univers à l’autre.

Intermède © Christophe Raynaud de Lage

Si l’image de Balzac s’insinue un peu partout, dans Notre comédie humaine, son spectre n’est pas seul à traîner avec lui tout l’esprit de l’auteur, qui se balade sans mal d’un registre à l’autre au fil des représentations. D’abord maître d’opérette dans le premier volet, le romancier suit de près sa propre saga et troque bientôt son costume de scène pour un tablier de cuisine au cours de la comédie qui constitue le deuxième épisode avant de disparaître, au gré d’un intermède qui le montre spectral, laissant place à une dernière pièce plus sombre et plus énigmatique. À travers cette figure de véritable homme-orchestre littéraire, ce que l’auteur était incontestablement en son temps, c’est aussi un artiste complet que donne à rencontrer le Nouveau Théâtre Populaire, n’hésitant, comme Balzac lui-même, ni à mêler les styles ni à appuyer les traits.

Accompagné des personnages qui peuplent ses romans et d’autres étrangetés qui hantent l’homme qu’il est, Balzac se fait ainsi trait d’union entre les trois pièces qui composent l’intégrale de Notre comédie humaine. Il faut dire que la traversée n’a rien de linéaire ou monotone, bien au contraire. Chacun des chapitres apporte à l’ensemble une teinte singulière qui vient agrémenter une lecture toujours plus complexe et profonde de l’œuvre dans laquelle il s’inscrit.

Illusions perdues © Christophe Raynaud de Lage

Là éclate véritablement tout le savoir-faire du Nouveau Théâtre Populaire qui, sans chercher à s’en donner l’air, conçoit en réalité une œuvre complète qui prend peu à peu forme sous le regard complice des spectateurs. Partis ensemble de l’univers ô combien léger de l’opérette, artistes et public glissent sans s’en apercevoir vers la comédie grinçante, antichambre de la perdition et de l’obscurité qui les attendent en tout dernier lieu. Il suffisait pourtant de prêter attention à ce bar où se jouaient les intermèdes et qui, peuplé d’étranges créatures, prenait pour noms tour à tour “Paradis”, “Purgatoire” et “Enfer”. D’ailleurs, les décors n’en finissent pas de se décharner d’une pièce à l’autre, et les costumes troquent peu à peu leurs couleurs bariolées pour des teintes de gris empoussiérées et clandestines.

Fusionnant la réalité et la fiction, Notre comédie humaine n’est peut-être plus tout à fait celle qu’un certain Honoré de Balzac a écrite au XIXe siècle. Mais comme le romancier l’imposait à ses personnages, le Nouveau Théâtre Populaire se sera joué des illusions de son public en les annihilant les unes après les autres, dans un régime sous tension permanente. En effet, la troupe propose avec cette intégrale une création d’une grande exigence d’écriture, de rythme, de dramaturgie, d’interprétation et d’esthétique. Et si chacune des pièces qui composent cette forme globale est conçue pour s’apprécier indépendamment des autres, assister à l’intégrale apparaît d’une nécessaire évidence pour en ressentir toute l’intelligence collective.


Notre comédie humaine du Nouveau Théâtre Populaire
La Criée, Théâtre National de Marseille
Du 2 au 5 octobre 2024
Durée intégrale 7h environ

Tournée
Du 2 au 24 novembre 2024 au
Théâtre de la Tempête (Cartoucherie)
Du 11 au 14 décembre 2024 au
Quai – CDN Angers
Du 29 janvier au 1er février 2025 au Théâtre de Caen

ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE LES BELLES ILLUSIONS DE LA JEUNESSE Emilien Diard-Detœuf
ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE ILLUSIONS PERDUES Léo Cohen-Paperman (co-auteur Julien Campani)
ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE SPLENDEURS ET MISÈRES Lazare Herson-Macarel
CONCEPTION ET MISE EN SCÈNE DES INTERMÈDES Pauline Bolcatto (en collaboration avec Sacha Todorov)
SCÉNOGRAPHIE Jean-Baptiste Bellon
LUMIÈRE Thomas Chrétien
COSTUMES Zoé Lenglare et Manon Naudet
MUSIQUE Gabriel Philippot
SON Camille Vitté assisté de Lucas Soudi
MAQUILLAGE ET COIFFURES Pauline Bry-Martin
CHORÉGRAPHIE Georgia Ives
RÉGIE GÉNÉRALE Marco Benigno assisté de Thomas Mousseau-Fernandez
ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Louise Bachimont et Janna Behel
ADMINISTRATION ET PRODUCTION Lola Lucas assistée de Marie Mouillard
DISTRIBUTION : Valentin Boraud, Philippe Canales, Emilien Diard-Detœuf, Thomas Durand, Clovis Fouin, Joseph Fourez, Elsa Grzeszczak, Lazare Herson-Macarel, Frédéric Jessua, Kenza Laala, Morgane Nairaud, Flannan Obé, Julien Romelard, Sacha Todorov, Charlotte Van Bervesselès

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