C’est la troisième fois que Patrick Haudecœur (Thé à la menthe ou t’es citron, Frou-Frou les bains, La valse des pingouins), s’associe à Gérald Sibleyras (Les 39 marches, Le Cercle des poètes disparus, Une situation délicate, Un avenir radieux, Un petit jeu sans conséquence). Après les formidables Silence on tourne !, Berlin Berlin, ils récidivent avec Mon jour de Chance et c’est encore Bingo !
Une machine à remonter le temps
Que serait notre vie si nous avions suivi une autre route ? Cette question traverse souvent nos esprits, surtout lorsque nous sommes confrontés à des désillusions, des difficultés. Cela offre surtout un sujet parfait pour le théâtre (Racine Carrée du verbe être) ou au cinéma (Un jour sans fin). Elle permet ici aux deux auteurs, ainsi qu’au metteur en scène José Paul, de mettre en place une machinerie théâtrale impitoyable pour nos zygomatiques.
La première scène fixe le rouage concocté par les auteurs. Des amis de longue date se retrouvent pour passer le week-end ensemble dans la maison de Franck (Loïc Legendre) et Marie-Noëlle (Lysiane Meis). Sébastien (Guillaume de Tonquédec) entre en traînant sa valise. Déboulant de l’escalier, le maître de maison, un tableau à la main, et Gauthier (Jean Franco), tenant une perceuse, vont l’accrocher au-dessus de la cheminée. La maîtresse de maison, suivie de Valérie (Caroline Maillard) rentrent du marché. Énoncé ainsi, cela semble bien anodin, mais sachez que cette scène reviendra à chaque acte (sauf un). Dans la salle, le public cherche à comprendre comment le tableau disparaît entre les scènes !
Dans la vie, il n’y a pas de hasard ? !
Cette bande d’amis avait l’habitude de jouer aux dés toutes leurs décisions. Parce qu’il avait fait un quatre et non un six, Sébastien n’est pas sortie avec Marie-Noëlle. C’est Franck qui a eu cette chance ! Alors, c’est avec Valérie qu’il vit maintenant. Plus très à son aise dans son quotidien, Sébastien se demande la tournure qu’aurait pris sa vie si le sort en avait décidé autrement. Puisque Franck a toujours gardé précieusement ce dé fétiche, Sébastien va le relancer. Et cette fois-ci, il tire le bon chiffre !
L’espace-temps se dérègle et Sébastien va alors se retrouver dans cette combinaison qu’il croyait être la gagnante, avoir épousé Marie-Noëlle. Le problème, parce qu’il en faut un, est qu’il va regarder cela en tant que spectateur. L’idée fait toute la force de cette comédie. Comprenant que le hasard avait finalement bien fait les choses, il va tenter par tous les moyens de retourner dans sa vie initiale en relançant le dé. Mais, ce n’est pas gagné ! Toutes les combinaisons possibles vont défiler sous ses yeux.
Une belle harmonie
Cette comédie fonctionne parce qu’elle ne réside pas uniquement dans les effets comiques. Haudecœur et Sibleyras ont écrit une pièce chorale qui s’appuie sur une belle exploration des sentiments humains. Les personnages ne tournent jamais à vide et toutes leurs actions sont nourries. Guillaume de Tonquédec, Lysiane Meis, Caroline Maillard, Loïc Legendre et Jean Franco, possèdent un sens aigu de la vis comica, faite de ruptures mais surtout de sincérités, interprètent, sans fausse note, cette belle partition dirigée, comme toujours, brillamment par José Paul (Une idée géniale). À ne pas manquer !
Marie-Céline Nivière
Mon jour de chance, de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras
Théâtre Fontaine
10 rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Jusqu’au 31 décembre 2024
Durée 1h30
Mise en scène de José Paul
Avec Guillaume de Tonquédec, Loïc Legendre, Lysiane Meis, Jean Franco, Caroline Maillard
Décors d’Édouard Laug
Costumes d’Ana Belen Palacios Avila
Lumière de Laurent Béal
Musique de Michel Winogradoff
Vidéo de Sébastien Mizermont
Accessoiristes Betty Lemoine
Assistant à la mise en scène Guillaume Rubeaud.
