Les Fausses Confidences de Marivaux, mise en scène d'Alain Françon © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Les Fausses Confidences, un Françon minutieusement ciselé

Au théâtre de Carouge, avant d’investir Les Célestins et Nanterre-Amandiers, le metteur en scène dénoue ingénieusement les fils de l’une des pièces les plus complexes de Marivaux et lui donne joliment corps grâce à une distribution 5 étoiles. 

Dernière des comédies en 3 actes de Marivaux, écrite en 1737 pour les Comédiens italiens de l’Hôtel de Bourgogne, Les Fausses Confidences ne rencontrent pas le succès escompté du vivant de l’auteur. Il faut attendre sa reprise au théâtre-Français en 1793 pour que tout le sel de l’intrigue, qui consiste à provoquer l’amour à travers de faux aveux, trouve les faveurs du public. Loin des quatuors amoureux et des travestissements qui ont fait son succès, il est question ici finalement que d’une jeune veuve, d’un valet manipulateur et d’un jeune homme amoureux.

Les Fausses Confidences de Marivaux, mise en scène d'Alain Françon © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Dorante, incarné tout en timidité contenue par l’excellent Pierre-François Garel, a tout juste 30 ans. Il est tout ce qu’il y a de plus honnête. Fils et neveu d’avocats, il s’y connaît un peu aux affaires, mais n’a pas un sou vaillant. Un soir à l’Opéra, il entraperçoit la charmante Amarinte, interprétée avec cette subtile grâce  si reconnaissable de la lumineuse Georgia Scalliet. Le coup de foudre est immédiat, d’autant, et ce n’est pas négligeable, qu’elle est riche et veuve. Devant la mine énamourée de son maître, le rusé Dubois, à qui l’excellent Gilles Privat offre sa bonhommie, imagine un stratagème digne de Machiavel. Quelques fausses confidences savamment distillées, çà et là, et le tour est joué. La belle est ferrée, l’union consacrée. 

Bien sûr, si le piège est exécuté de main de maître, on est chez Marivaux. Les quiproquos et les méprises en viennent pimenter l’intrigue tandis que les personnages secondaires y mettent leur grain de sel. Tout d’abord, Le Comte – épatant Alexandre Ruby – , qui pour éviter un procès, se verrait bien épouser la belle Amarinte. La mère, la cassante Madame Argante, qui sous les traits d’une Dominique Valadié délicieusement odieuse, n’aurait rien contre entrer – même par la petite porte – dans l’aristocratie aux dépens des goûts et de la volonté de sa fille. Enfin la piquante Marthon – admirable Yasmina Remil, comédienne suisse, révélation de ce spectacle – , qui se laisse bercer d’illusions amoureuses quelque peu erronées. 

Les Fausses Confidences de Marivaux, mise en scène d'Alain Françon © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Il faut tout le talent d’Alain Françon pour donner corps à cette pièce à tiroirs. La comédie n’est pas ici criante, mais plutôt sous-jacente. Elle joue de malice, mais jamais de rouerie. Ne cherchant nullement à donner dans la caricature, il donne à chaque personnage une densité humaine, qui se rapproche au plus près des caractères de ses interprètes. Sans jamais surligner le trait, tel un marionnettiste, il tire quelques fils, cisèle les situations cocasses et signe une comédie tout en finesse et élégance. Le rire ne vient pas tant du badinage, juste esquissé, que du jeu brillant des comédiens et comédiennes. 

Dans le décor, plus abstrait que réaliste imaginé par le fidèle Jacques Gabel, Alain Françon n’a pas son pareil pour faire du classique très moderne. Musique baroque vitaminée de quelques riffs de guitare très rock, tenues rappelant plutôt le début du XXe siècle que l’époque des Lumières, par légères touches, il déplace le temps et le ton. Mise en scène virtuose, direction d’acteurs et magie du théâtre, où réalité et fiction se conjuguent, font de ses Fausses Confidences, un petit bijou scénique. Avec plus  de 148 dates de représentations, le spectacle s’annonce déjà comme un des beaux cartons de la saison ! 


Les Fausses Confidences de Marivaux
Théâtre de Carouge
Rue Ancienne 37 A
Carouge
du 24 septembre au 19 octobre 2024
Durée 1h40 environ

Tournée
30 et 31 octobre 2024 à Équilibre-Nuithonie, Fribourg
6 au 17 novembre 2024 aux Célestins, théâtre de Lyon
23 novembre au 21 décembre 2024 au théâtre Nanterre Amandiers

8 au 10 janvier 2025 à l’Empreinte Scène nationale Brive-Tulle
15 et 16 janvier 2025 à la Scène nationale d’Albi-Tarn
5 au 8 février 2025 au Théâtre national de Nice
22 au 26 janvier 2025 au Théâtre Montensier, Versailles

12 et 13 février 2025 au Théâtre de Pau
25 et 26 février 2025 à la Maison de la culture d’Amiens
4 au 6 mars 2025 au Quai – CDN d’Angers
18 au 20 mars 2025 au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence
25 au 29 mars 2025 au Théâtre municipal de Caen
2 au 5 avril 2025 à Bonlieu – Scène nationale d’Annecy
8 au 11 avril 2025 à La Comédie de Saint-Étienne
16 avril au 25 mai 2025 au Théâtre de la Porte Saint-Martin

Mise en scène d’Alain Françon assisté de Marion Lévêque
Avec Pierre-François Garel, Guillaume Lévêque, Gilles Privat, Yasmina Remil, Séraphin Rousseau, Alexandre Ruby, Dominique Valadié, Georgia Scalliet, Maxime Terlin

Décors de Jacques Gabel
Lumières de Joël Hourbeigt et Thomas Marchalot
Musique de Marie-Jeanne Séréro
Costumes de Pétronille Salomé
Maquillages et coiffures de Judith Scotto
Conseil chorégraphique de Caroline Marcadé
Assistanat costumes et coiffure – Habillage Charlotte Le Gal

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