Comment est né KID#1 ?
Joachim Maudet : C’est ma quatrième création en tant que chorégraphe. J’avais envie de plonger dans le monde de l’enfance et de raconter le passage entre la primaire et la cour du collège, ce moment de bascule où tout change, où l’enfant insouciant doit prendre en compte le monde qui l’entoure, ses normes imposées et ses règles. J’explore cette idée en mettant en scène plusieurs personnages liés à l’environnement du collège. Ainsi, dans ce solo, On entend les voix de Jordan, le personnage principal, mais aussi celles de ses parents, de ses profs, de ses amis, de la cour d’école et des cailloux qui la peuplent. Je voulais entrer dans un imaginaire enfantin, celui que l’on a quand notre corps est encore libre, pas codifié par les regards extérieurs. Quand on rentre au collège, on grandit, on prend des responsabilités, et nos corps arrêtent de jouer. Ou plus exactement, on joue aux grands.
Ce qui m’intéressait aussi, c’était de traiter la violence des enfants entre eux. Parfois, même s’ils ne se rendent pas toujours compte de la portée de leurs mots, de leurs actes, les jeux vont trop loin. Le solo parle donc aussi du harcèlement scolaire, un sujet qui touche beaucoup d’enfants. Par ailleurs, depuis le début de la compagnie, je travaille sur la dissociation du corps et de la voix. Avec KID#1, qui est le début d’un nouveau cycle, l’enjeu pour moi était d’être seul au plateau et de faire entendre plusieurs voix grâce à la ventriloquie. C’est comme une pièce de groupe mais avec un seul corps. Et puis la nouveauté, c’est que cette fois dans KID#1, j’ai fait le choix de travailler avec une écrivaine Romane Nicolas. C’est une première pour moi, un vrai challenge.
D’où vient ce goût pour la ventriloquie ?
Joachim Maudet : Ce qui m’intéresse dans la ventriloquie c’est le lien entre le corps, le mouvement et la voix. La ventriloquie permet de créer une dissociation, mais je travaille également ce lien corps/voix à travers la parole automatique ou le bruitage. Ces axes de travail sont présents depuis le début de ma recherche. Avec un peu de recul, je me rends compte que j’en faisais déjà au CNSM à Paris, où j’ai étudié. Et dès mon premier spectacle, ‘sto:riz, j’ai poursuivi cette recherche. Dès que je me suis trouvé en studio, je me suis confronté à l’espace vide et à la théâtralité du mouvement. J’ai travaillé à partir des sons qui émanaient de moi.
Avec les différents interprètes de mes projets, j’ai toujours eu le besoin d’explorer le rapport de la voix avec le corps. Dans ma première pièce, que j’ai créée avec Sophie Lèbre, nous avons exploré une palette de sonorités qui pouvaient émaner d’un corps contenu : un rire, une sirène d’alarme ou un cri de bébé. Au fil des répétitions, on fermait les yeux, la bouche, puis on tendait vers une forme d’impassibilité du visage. Ce que cela produisait sur l’autre, sur le spectateur, m’a tout de suite fascinée. Il y a grâce à cela, un potentiel incroyable pour transmettre des émotions autant absurdes que tragiques ou comiques. Logiquement, la pratique de la ventriloquie découle de tout ce travail.
Après, mon intérêt en tant que créateur est de me saisir de cette technique pour pouvoir travailler des corps un peu comme un puzzle, avec plusieurs couches narratives. Cela me permet d’avoir plusieurs histoires au sein d’un même corps.
Quand vous entrez en création, qu’est-ce qui vous inspire ?
Joachim Maudet : Tout a commencé par le dispositif Danse dense, dont Émilie Peluchon était alors la directrice. Elle a soutenu la compagnie durant trois ans. Jean-François Munnier a pris la suite en me proposant de continuer chez lui à effectuer mon travail de recherche. L’Etoile du Nord a été un lieu précieux d’écoute et d’accompagnement. Nous avons pu y présenter toutes les pièces de la compagnie, ce qui a donné une visibilité parisienne à la compagnie. Nous clôturons les deux années de collaboration avec les deux représentations de KID#1 en octobre.
Vous entamez un nouveau cycle. Est-ce un tournant dans votre travail ?
Joachim Maudet : Je ne saurais le dire. Je crois qu’à chaque création, son lot de nouveaux challenges fait jour. Avec ‘sto:riz, c’était le bruitage, Avec Gigi, la parole automatique, avec WELCOME, la ventriloquie. Tout cela nourrit mon imaginaire et fait évoluer ma technique. Je n’aurais pas pu imaginer ni jouer KID#1, c’est-à-dire faire les voix de plusieurs personnages, sans avoir traversé tout le reste. Je crois que ce qui m’intéresse vraiment, c’est comment créer dans la contrainte. Par conséquent, je ne dirais pas ce qu’est un tournant, mais plutôt une nouvelle branche du même arbre.
Vous évoquiez WELCOME qui est un carton et vous a fait mieux connaître…
Joachim Maudet : Indéniablement, nous venons de jouer, samedi dernier, la cinquantième au MAIF social club. Nous avons même développé la version anglaise que nous avons présentée notamment en Pologne, en Italie et en Allemagne. En novembre, on part en Thaïlande. C’est assez fou. Ce qui est aussi intéressant pour la compagnie, c’est que pour la première fois nous avons dépassé le milieu de la danse, en jouant notamment au Train Bleu à Avignon ou au Théâtre Olympia CDN de Tours dans le cadre du festival WET dédié à la jeune création, lieux de prescription pour le théâtre. C’est une pièce accessible à tous et toutes, tant elle hybride les arts vivants. De ce fait, j’ai eu accès à un nouveau réseau. Et on espère que cela se prolonge avec KID#1 qui poursuit ce travail d’hybridité notamment en portant un texte plus long et narratif écrit par la dramaturge Romane Nicolas.
Vous êtes artiste en résidence longue durée avec l’Étoile du Nord, qu’est-ce que cela signifie ?
Joachim Maudet : Tout a commencé par le dispositif Danse dense, dont Émilie Peluchon était alors la directrice. Elle a soutenu la compagnie durant trois ans. Jean-François Munnier a pris la suite en me proposant de continuer chez lui à effectuer mon travail de recherche. L’Etoile du Nord a été un lieu précieux d’écoute et d’accompagnement. Nous avons pu y présenter toutes les pièces de la compagnie, ce qui a donné une visibilité parisienne à la compagnie. Nous clôturons les deux années de collaboration avec les deux représentations de KID#1 en octobre.
Avez-vous d’autres projets en cours ?
Joachim Maudet : Je suis actuellement en montage de ma prochaine création, qui devrait voir le jour en 2026 ou 2027. C’est un gros challenge pour moi et la compagnie, car c’est non seulement une pièce de groupe — cinq personnes au plateau — et ce sera aussi la première fois que je serai à l’extérieur. Le titre provisoire est CAILLOUX et s’inscrit dans la continuité de KID#1. Cette fois, je vais m’intéresser à l’univers des bacs à sable, quand les corps sont libres et naïfs. C’est une période où tout est encore possible !
En parallèle des créations plateaux, je mène aussi un travail auprès de différents publics, surtout autour de la pièce WELCOME. J’ai notamment pu remonter la pièce avec les étudiants du CDCN de Toulouse et je vais le réitérer avec un public agé de plus de soixante-cinq ans en, partenariat avec Boom’structur.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
KID#1 de Joachim Maudet
Création le 21 janvier 2024 au festival Parallèle à KLAP – Maison pour la danse (Marseille).
Vu en mars au théâtre de Vanves (92) dans le cadre de la 26e édition du festival Artdanthé.
Durée : 55 mn
Reprise
Les 1er et 2 octobre 2024 à l’Étoile du Nord, Paris (75)
Chorégraphie & interprétation – Joachim Maudet
Accompagnement chorégraphique et dramaturgique – Chloé Zamboni
Écrivaine – Romane Nicolas
Création lumière de Nicolas Galland
Régie lumière de Laura Cottard
Création sonore de Julien Lafosse
Régie son de Rebecca Chamouillet ou Julien Lafosse
Assistant vocal – Jean Baptiste Veyret Logerias
Costumes de Camille Vallat
Welcome (extrait) de Joachim Maudet
Présenté en 2022 au Festival OFF d’Avignon – PROGRAMME DANSE #3 de la Belle Scène Saint-Denis
Tournée
8 au 11 octobre 2024 à La Comédie de Clermont
7 au 10 novembre 2024 au Unfolding Kafka Festival Bangkok 21.11.24 – La Place de la Danse – CDCN Toulouse Occitanie Fleurance
10 au 11 décembre 2024 au Pole-Sud CDCN Strasbourg
14 décembre 2024 au Acb Scène Nationale Bar Le Duc
17 décembre 2024 au CCAM / Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy
19 décembre 2024 au Nouveau Relax, Chaumont
Chorégraphie et interprétation de Joachim Maudet
En collaboration avec Pauline Bigot et Sophie Lèbre
Création lumière de Nicolas Galland
Création sonore de Julien Lafosse
Regards extérieurs – Yannick Hugron et Chloé Zamboni
Coach vocal – Pierre Derycke
