Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Je me souviens être allé voir « Le clown Agricole » (Jean Kergrist). J’étais petit et mes parents, instituteurs, partaient en vacances dans des gîtes ruraux. Un soir dans la salle des fêtes du village d’à côté jouait ce clown drôle et engagé. À l’époque je n’ai pas tout compris mais j’en garde un souvenir intact.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
J’ai toujours rêvé de devenir dessinateur de bande dessinée et j’ai passé mon enfance dans ma chambre à inventer des histoires et à les dessiner. À l’adolescence, on m’a proposé de devenir chanteur d’un groupe du collège. Je n’avais jamais fait ça mais je pense que j’avais déjà un certain bagou qui a fait illusion… J’ai commencé à écrire les paroles du groupe et à les chanter, puis à m’accompagner à la basse. L’esprit du collectif l’a emporté et j’ai définitivement quitté mon bureau de dessinateur pour embrasser le spectacle vivant.
Et pourquoi avez-vous eu envie d’être comédien ?
La musique, qui a été le premier déclencheur, ne suffisait pas à exprimer toutes mes idées et les paroles de mes chansons étaient souvent la voix d’un personnage. J’ai donc très vite transformé mon rôle de simple chanteur en celui d’un interprète qui change de rôle à chaque chanson. Ensuite, Je suis très vite passé de la « chanson théâtralisée » au « théâtre musical ».
Quel a été votre premier spectacle et quel souvenir en retenez-vous ?
Le premier concert de mon groupe pour la fête du collège a été, non seulement, un souvenir unique au niveau des sensations ressenties face au public mais aussi un grand moment de solitude. Au troisième morceau du concert, une de mes cordes de basse a cassé, il a fallu tout transposer sur trois cordes en un instant. J’ai alors compris que la capacité d’improvisation et d’adaptation était essentielle dans le spectacle vivant.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
La vie est faite de coups de cœur ! À l’adolescence, c’était le rock alternatif : La Mano Negra, les V.R.P., Les Satellites. Puis la découverte du théâtre de rue en 1991 : Gino Rayazone, Royal de Luxe. Enfin plus tard, le Théâtre de l’Unité, le Théâtre du Soleil. Chaque fois que je vais au théâtre, j’espère un grand coup de cœur.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Les amis du Lycée avec qui j’ai monté ma première compagnie de théâtre de rue, Les Mange-cailloux. Douze années fondatrices qui ont commencé dans la folie de la jeunesse, de l’amateurisme et qui ont fini par le plaisir du travail collectif et du professionnalisme. Je pourrais également citer Anne Sylvestre que j’ai rencontrée en faisant ses premières parties. Elle m’a ensuite invité sur ses spectacles pour chanter quelques chansons avec elle. J’ai fini par faire la mise en scène de son spectacle Carré de dames. Une grande dame.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Ce métier est mon oxygène depuis 30 ans maintenant, quelle que soit la forme employée (chanson, théâtre, spectacle de rue, écriture, mise en scène).Le moment sur scène est un instant de plénitude qui fait co-exister la pleine maîtrise de soi et le lâcher prise le plus total. C’est un shoot d’adrénaline et de bien-être. Lorsque mon travail est terminé, il est remercié par des applaudissements ! Ce n’est pas dans tous les métiers qu’on a cette chance ! Mon ego est rassasié, je peux retourner à une vie « normale». Jusqu’à la prochaine représentation.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La vie ! Une rencontre, un livre, un article de presse et en un instant mon cerveau transpose un fait en une idée de spectacle ! Vite il faut la noter dans un carnet et laisser reposer. Certaines fois l’idée reste en l’état et quelquefois elle devient un spectacle. J’ai la grande chance de réaliser mon rêve d’enfant : raconter des histoires. En fait, tout est comme quand j’avais 8 ans dans ma chambre ! Un jour, j’ai une idée, je la pose sur le papier, l’imagination et le travail d’écriture entrent en action. Je compose ensuite les musiques, je choisis l’équipe de comédiens et de techniciens qui vont m’accompagner. On commence les résidences puis les premières représentations. Ça va de l’idée qui germe dans ma tête à sa représentation sur scène devant un public. C’est le plus beau métier du monde !
Quel est votre rapport à la scène ?
La scène est ma maison, je m’y sens aussi bien que chez moi. Je mesure chaque soir la chance que j’ai d’avoir un auditoire. Je rentre sur scène avec appétit, mon trac est mesuré. Il ressemble à une concentration qui commence le matin au réveil et que je dois maintenir tout au long de la journée. Et puis le soir, c’est un exutoire, un moment d’épanouissement et de fête.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Au moment de l’écriture, c’est le cerveau qui est en ébullition. J’ai en mémoire des moments intenses où je viens de trouver une idée musicale ou une scène de dialogues. Je la développe, la travaille, elle en appelle une autre et j’écris. J’écris, tout prend sens et la scène devient cohérente. On ne sait plus si ce sont des minutes ou des heures qui viennent de passer mais je finis avec les joues rouges comme si je rentrais du footing.
Sur le temps de la scène, je pense que mes poumons sont l’endroit du désir : l’air circule, l’oxygène irrigue le cerveau, le souffle du comédien ou du musicien requiert une grande Maîtrise. Alors qu’on respire naturellement dans la journée, sur scène les poumons deviennent un outil de travail. Chaque spectacle possède sa propre partition de respiration.
Avec quels artistes aimeriez-vous travailler ?
Je n’ai pas d’artiste précis en tête, ou plutôt si j’en ai plein (des morts et des vivants). Mais à quoi bon les citer si cela ne se réalise pas ? Cela deviendrait un regret. Je fais confiance à la vie, j’aime les rencontres fortuites et les alignements de planète.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Dans mes cahiers, j’ai un dossier qui concerne les idées grandioses et géniales… Et irréalisables. Je crois que j’ai déjà réalisé quelques folies qui me semblaient inaccessibles comme, être accompagné par un orchestre philharmonique, jouer mes spectacles en espagnol, en anglais ou en mandarin, voir ma propre pièce interprétée par une troupe turque à Istanbul, siffler sur des musiques de films, etc. Au mois de juin j’étais en tournée en Asie avec mon spectacle « Le Siffleur », la veille de ma première au Vietnam, l’organisateur me demande si je peux interpréter un air traditionnel Vietnamien accompagné par une violoniste russe ? J’ai dit oui bien sûr !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Je pourrais répondre « Les aventures de Papa poule », une série télévisée française de la fin des années 1970 où le héros est un dessinateur-illustrateur qui court entre son métier et ses quatre enfants issus de deux mariages différents. De cette série, il ressort un état d’esprit de l’époque tout à fait bordélique et nostalgique qui me touche particulièrement. Quand j’étais enfant, je voulais devenir soit Sady Rebbot (« Papa poule »), soit Pierre Richard !
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
La Claque écriture, composition, mise en scène de Fred Radix.
Théâtre de la Gaîté-Montparnasse
26 rue de la Gaîté
75014 Paris.
Reprise du 15 septembre 2024 au 28 janvier 2025
Durée 1h20
Le Siffleur, spectacle de Fred Radix
Théâtre de la Gaité Montparnasse
26 rue de la Gaîté
75014 Paris.
Du 1er octobre 2024 au 20 mai 2025
Durée 1h10.