Le cœur des Français bat fort pour Cyrano de Bergerac, dont la plupart en connaissent les répliques, dont la fameuse tirade du nez. Utilisant toutes ses formes de styles – la farce, la comédie, le drame, la tragédie – cette pièce, en cinq actes, est une véritable ode l’art dramatique. C’est ainsi qu’Alain Sachs, en fin connaisseur, a axé sa mise en scène, rendant ainsi, par cette mise en abîme, un bel hommage au théâtre de tréteaux et à la troupe dans son ensemble.
Comme un beau livre d’images
Dans la pure tradition de ce qu’on imagine être une représentation théâtrale à la fin du XIXe siècle, le décor est fait de cartons peints. Ils reproduisent une charmante place ombragée d’un village de Dordogne au XVIIe siècle. Une roulotte est située au centre. Elle se transformera au gré des actes, en scène de théâtre pour Montfleury, en comptoir d’auberge, chez Ragueneau, en balcon, chez Roxane, en carrosse pour le siège d’Arras et en cloître pour la scène finale. La scénographie, signée par la délicate Pauline Gallot et le metteur en scène, est de toute beauté. Tout comme le sont les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz et les lumières de Denis Koranski.
Un homme (Alexis Desseaux) entre, traverse le plateau et fait un geste aux artistes qui s’affaire sur la place. Tout ce petit monde sort de scène pour y revenir grimés dans leurs personnages. Ces baladins vont interpréter devant nous, devenus ainsi les villageois, une pièce qui raconte l’histoire de Savinien de Cyrano, dit Bergerac. Se transformant entre les actes en régisseurs, ils s’activent pour les changements. Maud Le Guénédal, Jean-Pierre Malignon, Bruno Paviot, Vincent Remoissenet, Benoît Tachoires, Loïc Trehin, accompagnés d’une musicienne, vont incarner, avec ce bel élan qui nourrit les artisans de ces théâtres itinérants, tous les personnages qui entourent les quatre grandes figures de la pièce.
Pour l’amour du texte
Pour jouer De Guiche, cela ne pouvait être que celui qui dirige la troupe. Alexis Desseaux est droit dans les bottes de ce conquérant qui deviendront celles d’un ami très cher à la dernière scène. La délicieuse Camille Favre-Bulle promène avec une belle grâce son joli minois pour donner à Roxane, toute sa diversité de femme. Quant au beau Christian, Baron de Neuvillette, il a trouvé dans le lumineux Alexandre Bierry, un interprète idéal.
Et Cyrano ? Pas facile d’endosser ce fameux nez qui le « précède en tout lieu », après tant de grands noms. Ce magnifique personnage est complexe à jouer. C’est un hâbleur, un bretteur, un soldat courageux, mais aussi et surtout un amoureux malheureux. Il est fait de doutes, de blessures et d’orgueil. Possédant une grande sensibilité, il a de l’esprit et enfile les vers comme d’autres descendent des verres chez Ragueneau. Avec sa silhouette toute frêle, Arnaud Tsamere lui confère quelque chose d’extrêmement touchant. Si le panache est moins flamboyant qu’à l’ordinaire, il n’empêche que Cyrano est toujours bien là, avec son cœur en bandoulière.
Marie-Céline Nivière
Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaîté
75014 Paris
Jusqu’au 15 décembre 2024
Durée 2h
Mise en scène Alain Sachs
Avec Arnaud Tsamere, Camille Favre-Bulle, Maud Le Guénédal, Alexandre Bierry, Alexis Desseaux, Jean-Pierre Malignon, Bruno Paviot, Vincent Remoissenet, Benoît Tachoires et Loïc Tréhin et les musiciennes, en alternance Laure Ménard ou Catherine Paillot
Collaboration artistique Corinne Jahier
Décors de Pauline Gallot et Alain Sachs
Costumes de Jean-Daniel Vuillermoz
Lumières de Denis Kornasky
Combats Philippe Maymat