Christine Boisson était plus qu’une belle femme. Son visage, ses yeux magnifiques, sa silhouette gracieuse lui avaient ouvert les portes du cinéma. Sa voix grave, ses intonations toujours précises, sa sensibilité à fleur de peau, en avaient fait « une reine » de théâtre. Absente des plateaux depuis 10 ans, la maladie a eu raison de cette femme que la vie n’avait pas ménagée.
Être belle n’est pas forcément un cadeau. À dix-sept ans, la jeune Christine lâche l’école pour devenir mannequin. Elle se fait remarquer par Just Jaeckin qui l’engage pour jouer dans Emmanuelle. Elle aurait pu n’être qu’un corps, mais la jeune fille a un caractère bien trempé. Elle comprend vite le piège. En 1974, elle passe et réussit l’examen d’entrée au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique. Elle en sort trois plus tard, en sachant que plus jamais, elle n’acceptera de rôles dénudés. En 1984, elle reçoit, pour son rôle d’Emma-la-Rouge dans Rue Barbare de Gilles Béhat, le prestigieux Prix Romy-Schneider qui la consacre meilleur espoir du cinéma français.
Le parcours de Christine Boisson n’est pas un long fleuve tranquille. Il est fait de creux, d’absences et de vagues. Présence lumineuse mais souvent sporadique, elle est au cinéma une apparition, une blessure ouverte qui brûle la pellicule. Au théâtre, elle joue pour les plus grands, comme Pierre Vial, Roger Planchon, Claude Régy – dont le fameux Par les villages de Peter Handke – Jérôme Savary, Luc Bondy, Jacques Lassalle, Daniel Benoin et Jean-Marie Besset, grand fidèle. Elle joue aussi pour Harold Pinter qui la met en scène dans sa propre pièce, Ashes to Ashes au Rond-Point en 1998.
Intensément habitée
Je garde le souvenirs de Démons de Lars Norén, à la MAC de Créteil, dans la magnifique mise en scène de Gérard Desarthe (1996). Entourée de Marianne Basler, Gilles-Gaston Dreyfus et Jean-Pierre Malot, son excellente prestation était saisissante. La scène de la douche, par exemple, avait provoqué dans le public une immense sidération. Tout comme dans La campagne de Martin Crimp, mis en scène par Louis-Do de Lencquesaing, avec Hélène Fillières au Théâtre de l’Oeuvre (2003).
Ce qui saisissait dans chacune de ses interprétations était cette grande sensibilité. Toujours à fleur de peau, elle savait inscrire ses bleus à l’âme à ses personnages. Elle était ainsi dans la vie. Vous regardant droit dans les yeux, elle semblait vous percer. Son regard et son sourire resteront longtemps gravés dans la mémoire de ceux qui l’ont vue sur une scène de théâtre ou sur grand écran et ceux qui ont eu la chance de la croiser. Ils étaient si beaux !