Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Je n’en ai pas un en particulier mais je me souviens avoir eu beaucoup de chance enfant, mes parents nous amenaient souvent en famille voir des spectacles. Ce n’était pas forcément du théâtre, même rarement. C’était plutôt des concerts de musique classique, des opéras ou des ballets. Pendant des années, ça nous gavait, avec mon frère et ma sœur. On se trouvait trop jeunes pour apprécier, ou même comprendre, ces formes artistiques. On boudait et ma mère persistait. Et sans trop savoir pourquoi ou comment, l’air de rien, j’ai commencé à me nourrir de ces sorties occasionnelles. Je m’asseyais sur le fauteuil et je rêvais, je voyageais. Plus tard, c’est moi qui quémandais.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je pense que c’est mes premiers cours de théâtre, j’étais une enfant assez dissipée et hyperactive, alors le théâtre me canalisait. J’adorais en faire, et surtout j’ai eu la chance d’avoir une prof génialissime ! Elle m’a vraiment donné goût au jeu et à tout l’univers du théâtre. C’est vite devenu mon sanctuaire. Alors après l’équivalent de mon bac (on appelle ça la maturité en Suisse), j’ai décidé de me lancer complètement et de passer des concours pour entrer dans des écoles de théâtre. Et voilà, j’ai continué. Cela fait dix ans maintenant.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
C’est là que je me sens le plus libre. Bon, il y a toujours des gros moments de doute et de perte d’estime de soi, on se remet en question constamment, on cherche la sincérité constamment, c’est très vulnérable. Mais jouer est ma source d’adrénaline. Je ne le retrouve nulle part ailleurs.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Le tout tout premier, je devais avoir sept ans, j’étais en primaire et on a fait une version d’Emilie Jolie. C’était le premier vrai spectacle devant toute l’école et toutes les familles. Certaines paroles des chansons me hantent encore ! Mais j’en garde un très beau souvenir.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Difficile d’en choisir un, j’ai eu plein de coup de cœur, mais un qui me reste particulièrement en tête, c’est l’équipe avec laquelle j’ai joué Consent de Nina Raine, au début de ma deuxième année de master à la LAMDA – London Academy of Music and Dramatic Art. C’était juste avant le confinement. Coup de cœur sur tout, l’équipe, la metteuse en scène Elayce Ismail, le texte, l’expérience des représentations, l’ambiance, tout. Dans le travail, la confiance, la précision et la bienveillance régnaient, c’était magique.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
J’ai fait des belles rencontres tout au long de mes formations, entre Genève, Paris et Londres, toutes très différentes et toutes uniques. Les plus belles rencontres pour moi sont celles entre personnes bienveillantes, qui se poursuivent en amitiés. Qu’elles soient évidentes ou inattendues, tant qu’elles sont dans l’écoute et le respect l’un de l’autre, c’est beau pour moi.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Il me ramène sans cesse à la réalité de la vie, que rien n’est jamais complètement acquis. Il m’apprend l’humilité. Il me permet de me connecter sincèrement aux autres et de me nourrir d’autrui pour évoluer dans ce monde, parfois très effrayant. Et puis, il m’apporte de la joie, tout simplement. Il me pousse à chercher une stabilité intérieure dans un environnement instable, et ça c’est essentiel pour moi. Et chaque jour est si différent, c’est exaltant !
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les écritures contemporaines britanniques, il y a des jeunes dramaturges très talentueux en Grande-Bretagne qui, je trouve, écrivent incroyablement bien les dialogues. La mythologie grecque aussi, c’est une matière inépuisable et fascinante. Petit dernier, plus évident, mais Shakespeare, c’est un cadeau pour un.e comédien.ne que de jouer du Shakespeare.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Sain, j’espère ! Avec l’expérience, mon rapport à la scène change, et je trouve ça plutôt bien. On n’est jamais exactement la même version de soi-même quand on monte sur un plateau, et je pense que c’est essentiel de savoir s’écouter. Ne pas se faire violence et mettre ses limites. Et toujours beaucoup travailler. Beaucoup travailler pour mieux profiter !
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Dans les tripes. C’est plus fort que moi, il n’y a rien de rationnel, tout mon désir se situe dans les tripes.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Je rêve de travailler avec Julie Deliquet, j’adore son travail. J’aimerais beaucoup voir comment elle répète, car le résultat est toujours épatant ! Le Munstrum, sinon. Je pourrais en citer plein d’autres encore… je suis toujours à la recherche de nouvelles expériences !
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Un projet centré sur la bringue et la rave. Je suis très curieuse de participer ou créer un spectacle avec une énorme équipe autour de la fête et la musique électronique, une forme qui mélangerait plein de disciplines : dance, théâtre, musique. Je ne sais pas exactement comment ça se ferait mais ça m’a toujours titillé.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un Shakespeare, c’est sûr. Le Songe d’une nuit d’été, je dirais !
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
L’Épreuve, librement adapté de Marivaux
présenté en juillet 2024 à La Scala Provence dans le cadre du Festival off Avignon
Durée 1h20
Reprise
14 septembre au 29 décembre 2024 à La Scala-Paris
Adaptation et mise en scène de Robin Ormond
Avec Sanda Bourenane (Angélique et Une employée), Vincent Breton (Blaise et Un employé), Olivier Debbasch (Frontin), Yasmine Haller (Lisette et Une invitée), Alexandre Manbon (Lucidor) et les voix de Nicolas Chupin et Séphora Pondi de la Comédie-Française
Costumes de Clément Desoutter
Scénographie, lumière de Nina Coulais
Création sonore de Tom Beauseigneur
Dramaturgie de Laurent Muhleisen