Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
J’avais quatre ans. Je vivais dans une résidence et une troupe d’amateurs composée de voisins a joué une pièce. Je ne me souviens que de la fascination qui m’avait saisi. J’avais même regardé une représentation en cachette sous les fauteuils… Il y a eu, bien après, la première pièce parisienne que j’ai vue. J’avais dix ans et c’était La Cage aux folles de Poiret et Serrault. Incroyable et irrésistiblement drôle ! Et puis à dix-huit ans, le choc avec L’illusion comique de Corneille mis en scène par Giorgio Strehler à l’Odéon. Une troupe extraordinaire — Gérard Desarthe, Stéphane Freiss, Henri Virlogeux, Nada Strancar…, une scénographie, des lumières à couper le souffle et la virtuosité de la mise en scène !
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Il n’y a pas eu de déclencheur, mais une évidence chevillée en moi depuis ma plus tendre enfance. J’ai retrouvé, il y a quelque temps, un cahier de CP où nous devions écrire des phrases de rédaction. L’une d’elles demandait ce que nous ferions plus tard. J’avais écrit : « Plus tard je serai clown et je jouerai du violon ». Le plus fou de cette histoire a été que mon premier rôle professionnel fût un clown qui jouait du violon. C’était dans Charivari, un spectacle de cirque avec Luis Rego en décembre 1990.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
De l’évidence chevillée en moi ! J’ai axé ma vie pour le théâtre et être comédien a été une obsession, voire l’essence de ma vie. J’étais de toutes les lectures et ateliers en classe, et puis il y a eu la pratique amateure avec le Théâtre 91 d’Henri Lazarini et également la création de troupe avec des copains.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Au collège Charles Péguy de Palaiseau, ville de ma jeunesse. Dans la même classe, de la sixième à la troisième, il y avait avec moi Frédérique Lazarini et Marc Siemiatycki. Frédérique Lazarini est aujourd’hui codirectrice de l’Artistic Athévains. Marc Siemiatycki a joué dernièrement dans Adieu Monsieur Haffmann et Le 8e Ciel de Jean-Philippe Daguerre. Henri Lazarini, le père de Frédérique, voyant des jeunes très motivés, a créé la troupe du Théâtre 91. Notre premier spectacle a été L’Impromptu de Palaiseau que nous avons ensuite joué à l’Artistic Athévains. Ce fut un moment de grande camaraderie et de bonheur de jouer cinq représentations ! J’étais à ma place simplement. Sinon, mon premier spectacle professionnel a été Le Booms-a-Daisy avec le Théâtre du Mantois dirigé alors par Jean-Charles Lenoir. L’histoire de l’anniversaire de Daisy que l’on retrouve sur les cinq années de la Seconde Guerre mondiale. Un moment formidable avec une distribution intergénérationnelle : Christophe Grégoire, Marie de Baillencourt, Laurent Benoît, Charlotte Berger, Yaneck Rousselet, Sophie Lenoir et Laurent Brechet. Je n’ai jamais compris pourquoi ce spectacle ne s’est pas joué à Paris et en tournée.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Dans ma carrière, ils sont très nombreux évidemment ! N’ayant jamais été un acteur désiré, du fait de ma personnalité qui aime être au cœur des choix artistiques, de mon physique qui par sa corpulence peut bloquer l’imaginaire des créateurs, de par mon enthousiasme qui parfois effraie, j’ai rapidement compris que je devais être porteur de projet. Tous mes spectacles sont mes enfants chéris… Alors je vais en citer quelques-uns : ma première mise en scène, Le baiser de la veuve d’Israël Horovitz, qui a marqué la création de la compagnie les Larrons avec mon ami René Remblier ; L »Échange de Paul Claudel avec le duo Isabelle Andréani/Grégori Baquet, qui étaient magiques ; Qui es-tu Fritz Haber ? de Claude Cohen ; évidemment, Les Coquelicots des tranchées avec lequel j’ai reçu le Molière du meilleur spectacle Théâtre Public ; Hamlet parce que c’est la pièce des pièces ! Un Cœur simple de Gustave Flaubert avec Isabelle Andréani ; Là-bas de l’autre côté de l’eau coécrite avec Pierre Olivier Scotto, et puis le dernier Rentrée 42, bienvenue les enfants ! Toujours avec Pierre Olivier Scotto qui est un immense auteur de théâtre, charnel, cultivé, créatif et très rigoureux sur le sens d’une pièce.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Michel Bouquet a été mon professeur et Maître durant trois ans et cela marque une vie. Il m’avait dit : « ne pas transmettre c’est voler ». Luis Jaime Cortez, grand Maître de Commedia dell’arte, avec qui j’ai joué Capricio Italiano et travaillé durant trois années. Il m’a éclairé sur la présence scénique. Il a eu Nicolas Bataille qui m’a ouvert les portes du Théâtre de la Huchette et à son univers. Un metteur en scène malin et précis. Une immense culture. Et sinon Isabelle Andréani, une comédienne géniale et unique. L’Alliance de l’énergie, de l’émotion et de la technique, dotée d’une créativité sans pareille. C’est la rencontre de ma vie.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
On ne fait pas du théâtre toute sa vie par hasard. Par le théâtre j’explore les milles et unes personnes que je ne serai jamais. Cela m’apaise et me donne un sentiment bienheureux ! Le théâtre comme une enfance retrouvée, comme un moment de bonheur arraché à la grisaille du quotidien.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
L’intime des grands destins. L’éclair qui dure !
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Il y a un mélange de sacré et de fraternité ! L’acte de monté sur un plateau est rare et doit être sacré mais le chemin est fraternel et partagé.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
C’est un désir charnel, gourmand, et intellectuel. Sexe, cœur et cerveau ! Le parfait trio pour une belle histoire d’amour !
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aime les actrices et acteurs et il y en a beaucoup d’incroyables. J’aimerais faire un projet avec la Comédie-Française…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Explorer un rôle au cinéma. C’est un projet fou car je ne connais personne du cinéma et vice et versa !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Rentrée 42, bienvenue les enfants ! de Xavier Lemaire et Pierre-Olivier Scotto.
Comédie Bastille
5 rue Nicolas Appert
Du 5 septembre 2024 au 5 janvier 2025
Durée 1h35