L’apparition était d’autant plus fugace — deux dates dans le confidentiel 100ecs, rue de Charenton — qu’elle se parait d’urgence. Texte méconnu de Michel Vinaver, La Visite du chancelier autrichien en Suisse constitue un argument humble mais intransigeant en faveur du retrait, contre la complaisance vis-à-vis du fascisme.
En 2000, Michel Vinaver est invité aux prestigieuses Journées littéraires de Soleure. Deux mois plus tôt, la Suisse reçoit en grande pompe un invité bien différent : le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel, compromis avec le FPÖ fondé par d’anciens nazis.
Alors Vinaver refuse. L’auteur, qui disait avoir découvert sa judéité avec Vichy, n’ira pas à Soleure serrer des mains qui ont serré celles du pire ennemi. Et son texte, publié à l’Arche en 2000, détaille les raisons et les modalités de ce retrait. Dans L’Objecteur, que Camus faisait publier chez Gallimard en 1951, déjà, un protagoniste d’inspiration autobiographique refusait de prendre le fusil pendant son service militaire. Ce refus décidé en soi et pour soi, Vinaver le revendiquait comme une position « infra-idéologique ». Mais il n’en constitue pas moins le début d’une rupture dans le consensus.
Matthieu Marie, pour porter ce texte, n’a besoin que d’un bureau et d’un écran, lequel affiche des coupures de presse de l’époque, quelques documents d’archive, et des tableaux de Chagall. « Mon geste a le caractère d’une abstention personnelle, je m’abstiens d’être de la fête », dit Vinaver. En mai, dans le même théâtre, le comédien plongera avec Valentine Catzéflis dans les mots d’amour de Kafka. Pour l’instant, dans ce petit essai d’objection, il laisse l’actualité se réfléchir de manière limpide.
Samuel Gleyze-Esteban
La Visite du chancelier autrichien en Suisse de Michel Vinaver
100ecs
100, rue de Charenton, 75012 Paris
Les 19 et 20 septembre 2024
Avec Matthieu Marie