Dimanche 1er septembre, sous un soleil radieux, nous partons traverser en voiture le bois de Boulogne pour passer l’après-midi au théâtre de Verdure et assister à deux spectacles. En cette vieille de rentrée scolaire, le jardin Shakespeare a encore un air de vacances. On y pique-nique, on y joue, on y flâne.
Comme dans un jeu de piste, nous suivons les flèches jaunes qui nous conduisent à une guitoune en bois. Une fois le billet pris, on entre dans une petite allée ombragée. À gauche, des tables et des chaises, à droite, un étal proposant des livres, au fond, un bar qui propose de la citronnade et des sirops aux noms surprenants, comme la grenadine Napoléon III… Ici, on est aux petits soins pour les festivaliers. Dès que l’on entre sur la pelouse transformée en « orchestre » de théâtre, « l’ouvreur » propose chapeau de paille et brumisateur. Le plafond de ce théâtre est le ciel, et l’éclairage, celui du soleil. À quatorze heures, il tape dur, mais on le sait, il va vite passer derrière le grand chêne plus que centenaire.
Si le bois de Boulogne m’était conté
On commence par Petite histoire secrète du bois de Boulogne, une pièce signée Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre (Les deux frères et les lions, Peur(s)). Ce formidable spectacle possède deux particularités. La première est de nous raconter comment l’auteur et Lisa Pajon se sont retrouvés, avec un comité d’artistes, à reprendre la direction du festival du Théâtre de Verdure en 2022. Que faire ? Comment le faire ? Que jouer ? Chacun y va de son idée, de son ressenti, de ses rêves… Cette mise en abîme, dans laquelle ils n’hésitent pas à monter leurs contradictions, est formidable.
N’ayant pas réussi à se mettre vraiment d’accord, ils décident de mettre en valeur les charmes du lieu. C’est la deuxième particularité de ce texte. Dans un style très Monty Pythonesque, s’appuyant sur une documentation précise, celui-ci explore l’histoire du bois de Boulogne et plus particulièrement celle du jardin Shakespeare, du Xe siècle à nos jours. Ils nous en apprennent beaucoup, tant sur l’histoire que sur la botanique.
Utilisant tous les atouts de cette scène immense remplie de recoins, de bosquets, de grottes, et jouant du vrai et du faux, Nicolas Senty, Clara Pirali, Mathieu Genet, Lisa Pajon, Julie Pilod, ainsi qu’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, qui remplaçait au pied levé et texte en main Milena Csergo, retenue par un retard de train, nous ont régalés.
Le temps d’une petite pause, les artistes et techniciens changent la disposition de cette salle naturelle. À notre retour, les chaises ne sont plus face à la scène naturelle du théâtre de Verdure mais en cercle sur la pelouse. Il est seize heures, le soleil est toujours là. Les familles sont venues en nombre.
Shakespeare est à son aise en son jardin
C’est une version expurgée (1h20) mais néanmoins fidèle du Songe d’une nuit d’été que nous propose le jeune et prometteur metteur en scène Anthony Jeanne et sa Cie ADN. Créé dans la volonté de travailler ensemble, par des anciens élèves de l’ESTBA, école supérieure de théâtre de Bordeaux et conçu spécialement pour être joué en plein air, ce spectacle tourne depuis 2016 dans de nombreux festivals. C’est la deuxième fois qu’ils reviennent enchanter le public du Théâtre de Verdure.
Mené à cent à l’heure par cinq comédiens, les aventures des uns et des autres se font fort bien entendre. Le ton est à la comédie. Éléonore Alpi, Jérémy Barbier d’Hiver, Clémentine Couic, Lucas Chemel interprètent tous les rôles. C’est-à-dire les amoureux, le monde des fées et elfes, les artisans-comédiens, transformés ici en scouts maladroits. Yohann Bourgeois est Puck. Le lutin d’Obéron est ici non pas un charmant trublion, mais plutôt le cousin de Caliban qui en aurait marre de se faire exploiter. Les parti-pris scéniques — changements à vue, interactivité avec le public — marchent très bien. On se régale.
Le festival, qui a débuté le 1er juin, s’arrête le 22 septembre. Ces deux pièces sont encore à l’affiche, ainsi que d’autres spectacles, dont la création de Mathieu Genet, Les Jeux oubliés. N’hésitez pas, car le théâtre est ici à la fête dans un endroit magnifique. Lisa Pajon, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre et leur équipe ont été reconduits pour 5 ans, alors rendez-vous l’année prochaine !
Marie-Céline Nivière
Festival du Théâtre de Verdure
Jardin Shakespeare – Bois de Boulogne
75016 Paris
Jusqu’au 22 septembre 2024
