L’objet, sa forme, son utilité, sa nature, est ce qui anime Frédérique Caillet, la fait « vibrer .» Pourtant rien dans son parcours ne la prédestinait à faire carrière dans le domaine du Design. Venant d’une famille d’entrepreneurs, sa voie était déjà toute tracée, travailler dans un grand groupe, au service communication. « Assez vite, j’ai su que ce n’était pas un univers qui m’intéressait. J’avais besoin de rêve, de m’épanouir dans un domaine plus atypique. » Les vases en céramique d’Olivier Gagnère, exposés à l’époque à la Galerie Maeght, vont être une révélation. « Ses œuvres m’ont tout de suite parlé. »
Passions communes
C’est la rencontre avec Vincent Collin qui sera décisive. « En parallèle d’un travail alimentaire dans la promotion, li dessinait des objets, des motifs. J’ai tout de suite été sensible à son travail. J’ai pensé que si ça me plaisait, ça plairait forcément à quelqu’un d’autre. » L’idée de lancer leur propre entreprise fait son chemin. On est au début des années 1990. Ensemble, ils chinent, font des brocantes, retapent de vieux objets, les revendent. L’argent leur sert à financer les débuts d’Édition Limitée, qui voit le jour en 1995.
La rencontre avec Olivier Gagnère, dont il fut un temps l’assistant sera déterminante. Ils deviennent rapidement les éditeurs de ses créations et notamment de celles qui servent à aménager le Café Marly, au Louvre. Fascinés par le travail d’Ettore Sotssass, ils vont à sa rencontre et lui proposent de dessiner, pour eux, une série d’objets en céramique. « C’est l’humain qui a guidé les premiers pas de la société, qui a servi de ciment à l’aventure. Sans ce lien qui nous unit, qui dépasse largement le champ de la collaboration stricto sensu, rien ne serait arrivé. C’est essentiel dans notre manière de travailler »
Un coup de foudre artisanal
Très vite, Frédérique parcourt la France en quête d’une entreprise capable de produire les différentes pièces très spécifiques qui alimentent les collections d’Édition Limitée. « J’ai fait le tour des porcelainiers, des céramistes. Et j’ai fini par tomber à Puy-L’Évêque sur l’usine Virebent, dont le savoir-faire est unique et surtout, travaillait la porcelaine, le grès et la faïence. Ce qui est assez rare pour le souligner. » Le coup de cœur est immédiat pour le lieu, les ateliers et les ouvrières, la rencontre avec le gérant de l’époque ne fait que confirmer leur impression d’avoir trouvé la perle rare.
Alors quand au début des années 2000 la faillite guette l’usine, que le dépôt de bilan est prononcé, ils se portent acquéreurs après avoir mûrement réfléchi. « On ne voulait pas se résoudre à voir ce patrimoine industriel et artisanal disparaître, ainsi que ce savoir-faire unique. Nous n’étions pas les seuls… Nous avons été choisis par le Tribunal de Commerce, notamment car nous nous engagions à garantir quatre emplois et à sauvegarder ces métiers de niche. »
Vingt ans de passion
Après plus de vingt ans, quelques déboires, de belles avancées, comme l’obtention du label « Entreprise du Patrimoine Vivant, » et beaucoup de passion Frédérique n’en revient pas du chemin parcouru. « C’est étonnant de voir en remontant ainsi el fil de notre histoire commune avec Vincent, que tout est lié avec la céramique et la passion que nous entretenons avec ce matériau à la fois fragile et unique. »
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
L'USINE, UN MÉTIER FÉMININ Quand ils ont repris l'entreprise au début des années 2000, seules des femmes étaient employées dans l'usine. Cela a peu ou prou changé. « C'est peut-être un peu cliché, explique Frédérique Caillet, mais il est vrai que ce métier demande une expertise manuelle, une technicité, un investissement, que l'on retrouve le plus souvent sur des profils féminins. L'autre chose qui est frappante, c'est qu'elles ont toutes du tempéra- ment, de vraies personnalités qui ne s'en laissent pas compter. » La plupart des employées de l'usine ont grandi ici, ont leur carrière au sein de l'entreprise. Ce sont des femmes engagées, qui prennent leur métier, à bras le corps. « Toutes ont été de belles rencontres, car elles sont le cœur de Virebent. À leurs côtés, nous avons beaucoup appris. La terre est une matière qui réagit très différemment d'un moment à l'autre. lI suffit d'un élément pour tout changer. La travailler demande donc une attention particulière. lI faut en permanence la sentir, pour tenter de la dompter. »
Virebent 100 ans
Rue de l’usine
46700 Puy-l’Évêque
du 14 juin au 23 septembre 2024