Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Un des premiers qui m’aient marqué était Arlequin, valet de deux maîtres mis en scène par Giorgio Strehler, avec Ferruccio Soleri, cet incroyable acteur Italien qui a consacré sa vie à ce rôle.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Au lycée, notre professeur de français avait demandé à des volontaires de monter des scènes de Tartuffe, que nous étions en train d’étudier. C’est là que j’ai fait mes premières armes de mise en scène. J’ai joué aussi à cette occasion des tas de rôles de la pièce, féminins et masculins. C’était passionnant et exaltant. J’ai découvert que j’étais perfectionniste, car il y avait tant et tant à creuser, c’était infini…
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Depuis toute petite, j’ai toujours aimé jouer la comédie. La méchante Reine de Blanche Neige en CM2 m’a confronté déjà à l’ambivalence de cette figure. À l’adolescente, j’ai assisté à un festival d’Avignon qui m’a éblouie et m’a convaincue que je voulais vraiment me consacrer à l’art dramatique. D’autres métiers m’intéressaient, ethnologue ou psychologue, et j’ai la sensation qu’être comédienne réunit en quelque sorte toutes ces envies !
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Avant de « monter à Paris » pour intégrer la classe libre de Florent, j’ai suivi des cours au Conservatoire d’Angers. Vers dix-sept ans, le Théâtre national des Pays de Loire m’a proposé une tournée sur un Marivaux. Mes souvenirs sont d’ordre assez proustiens. J’ai encore la sensation de l’odeur des rideaux rouges des théâtres municipaux, qui se mêle au parfum, Habit rouge de Guerlain, de la comédienne. Une impressionnante actrice parisienne tourmentée qui tenait avec brio le rôle principal
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
J’ai vu beaucoup de spectacles qui m’ont marqué, entre autres les Pièces de guerre d’Edouard Bond, mis en scène par Alain Françon, plusieurs Vitez, dont Le Mariage de Figaro, Grand et Petit de Claude Régy, les Pommerat, dont sa première mouture de Pôles, et puis La Trilogie de Wajdi Mouawad à Chaillot, La Cantatrice chauve par Jean-Luc Lagarce et beaucoup d’autres…
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Pour n’en citer que quelques-uns, je dirais des grands formateurs qui ont changé ma façon de vivre le théâtre et m’ont apporté une indépendance dans mon jeu mais aussi dans la direction d’acteurs comme les américains Jack Garfein et Jordan Beswick, de l’actors studio, les incroyables conteurs comme Michel Hindenock ou Pepito Matéo, et Christophe Hatey mon époux et alter ego de théâtre.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
J’aime entreprendre et créer, jouer, mettre en scène, voir des spectacles. Je ne me vois pas faire autre chose. D’ailleurs je ne sais pas faire grand-chose d’autre ! C’est à la fois un artisanat dans lequel j’essaie de toujours progresser et un besoin existentiel. La vie est trop courte, alors pouvoir en vivre plusieurs, c’est génial !
Qu’est-ce qui vous inspire ?
L’art en général et plus particulièrement l’art vivant. Ayant une mère pianiste, j’ai reçu des influences éclectiques. L’univers musical est toujours signifiant dans ma recherche. La danse contemporaine (que je pratique d’ailleurs), la danse théâtre de Pina Bausch, la nature, la marche et la contemplation m’aidant à faire surgir de nouvelles idées…
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Plutôt physique et émotionnel, en général, mais j’ai aussi le désir plus « mental » de me poser de nouveaux défis et d’expérimenter de nouvelles formes.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
C’est de l’ordre de l’instinctif et du lâcher prise. Même si je suis adepte du travail à la table et de l’analyse, à un moment j’aborde le travail par le corps dans sa globalité, l’encrage avec le sol, la respiration, le rythme de la parole pour laisser le personnage venir à moi.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aimerais particulièrement travailler avec des danseurs. Ayant expérimenté un tout petit peu le sound painting, je pense qu’expérimenter un partenariat avec des musiciens et des plasticiens doit aussi être enrichissant.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Un projet pluridisciplinaire peut être, avec du récit, de la danse, de la vidéo et aussi différentes formes de jeu et d’interprétation !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Une mazurka de Chopin peut être ? J’aime aussi cette œuvre folle d’Eugène O’Neil, L’Étrange Intermède, qui retrace toute la vie d’une femme. C’est une pièce où en parallèle des paroles qu’elle prononce dans les dialogues, on entend ses pensées, qui sont presque toujours en contradiction avec ce qu’elle dit.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
La maison d’à côté de Sharr White
Studio Hébertot
78bis boulevard des Batignolles
75017 Paris
Du 8 septembre au 8 octobre 2024
Durée 1h20