Comment est le né projet ?
Catherine Verlaguet : J’étais en atelier d’écriture dans un lycée. Pendant que les ados écrivaient, j’écrivais aussi. On travaillait sur la notion de dialogue, et j’ai écrit celui entre Claire et Fabien, quand il lui demande de ne pas le faire, de garder l’enfant. Ainsi sont nés ces deux personnages et leur problématique, qui ne m’ont plus quittée. J’ai porté ce projet pendant quatre ans, toute seule, la nécessité d’aller au bout comme pour faire moi-même le deuil de ce que j’ai vécu — même si ce que j’ai vécu est différent.
Le Processus n’est pas une commande, mais un projet personnel. Je ne l’ai pas écrit pour en faire quelque chose, mais par nécessité. Ce n’est qu’une fois terminé que j’ai éprouvé le besoin de le confier à quelqu’un pour le partager plus avant et qu’il permette à d’autres de libérer une parole peut-être étouffée. Je l’ai, alors fait lire aux théâtres qui me connaissent, qui me suivent. Certains m’ont immédiatement suivie sur l’envie de mettre ce projet en production. C’est ainsi que j’ai abordé Johanny Bert.
Comment évoque-t-on un tel sujet au théâtre ?
Catherine Verlaguet : Très simplement. Comme tous les autres : avec honnêteté, humilité, intimité. Je n’aborde pas un sujet, je raconte une histoire. Celle de Claire et Fabien, qui lors de leur premier ébat amoureux conçoivent malgré eux un enfant. Pour moi, les sujets sont avant tout la liberté de choix et la communication entre fille et garçon — c’est d’ailleurs ce dont parlent les ados en bord plateau à l’issue des représentations.
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Catherine Verlaguet : L’expérience personnelle. Bien que l’histoire racontée soit une fiction, parce que je voulais emmener ce sujet-là à l’adolescence afin de préparer nos jeunes, filles et garçons, à se confronter à cette réalité par empathie afin qu’ils soient moins démunis, si un jour ça leur arrive. L’avortement concerne une femme sur trois — donc un homme sur trois aussi, sans doute. Très peu en parle. C’est un sujet qui reste tabou, et souvent douloureux psychologiquement. Même au sein des couples, la parole est difficile.
Moi, je suis de celles qui parlent, trop peut être, j’en ai besoin pour comprendre et digérer ce que je vis. Mais en l’occurrence, sur ce sujet-là, j’ai réalisé à quel point ça faisait du bien, que ce soit aux femmes comme aux hommes, d’en parler. En faire un spectacle participe à cette envie, à ce besoin de libérer la parole pour la partager et permettre à ceux qui ne l’osent pas, de sortir de l’isolement, de se dire qu’ils ou elles ne sont pas seuls – et pour donner quelques clefs à ceux qui n’y ont pas encore été confrontés.
Comment s’est passé l’adaptation du texte au plateau ?
Catherine Verlaguet : Le texte n’a pas été adapté. Johanny [Bert] l’a reçu, accepté et mis en scène presque tel quel. Nous avons évoqué certaines coupes, rajouts, inversions… mais très peu. Pour la publication du roman, j’ai écrit quelques scènes supplémentaires afin de rallonger la matière ; Johanny en a repêché quelques-unes d’ailleurs, surtout pour la forme plateau — car ce spectacle a deux mises en scène différentes selon qu’il se joue en itinérance ou sur plateau. Mais le texte a toujours été un récit : celui de Claire.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Processus de Catherine Verlaguet
Spectacle créé en octobre 2021
à découvrir du 12 au 14 septembre 2024
MAIF Social Club
37 rue de Turenne
75003 Paris
Durée 1h20 – 50 min de spectacle et 30 min de débat
Mise en scène de Johanny Bert
Interprètes en alternance – Juliette Allain, Saffiya Laabab, Lola Roy
Accompagnateurs de tournée – Marc de Frutos, Delphine Léonard ou Julien Leonelli