Authentique princesse, descendante par sa mère de la noblesse d’épée et par son père de la noblesse d’Empire, Laure Murat est un pur produit de l’aristocratie française. Née dans les beaux quartiers de Paris, ayant passé une partie de son enfance dans les châteaux de ses ancêtres, elle semble tout droit sortie d’À la recherche du temps perdu. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Proust lui est si cher, tout une partie de sa famille y est citée que ce soit de manière fictionnelle, cachée derrière un autre nom, ou apparaissant sous son patronyme.
Historienne française, essayiste, spécialiste du genre et professeure à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), la cinquantenaire plonge avec délice dans les sept tomes qui composent La Recherche et en dissèque les moindres inflexions qui ont trait à l’univers de son enfance, celui du théâtre figé et froid du grand monde. Adulée par Proust pour son décorum puis critiquée avec véhémence pour sa vacuité, son désœuvrement et sa cruauté, l’aristocratie française est au cœur de cette quête d’identité littéraire. Sur cette scène permanente où les faux-semblants sont de mise, où « tenir son rang » et « rester à sa place » sont des mantras qu’on apprend et qui se récitent depuis l’enfance, est-il possible d’être soi ?
introspection littéraire
Ne rentrant pas dans le moule dans lequel on l’a élevée, Laure Murat affirme haut et fort son homosexualité, quitte à être rejetée par sa mère et bannie de la famille à tout jamais. C’est cette blessure profonde que ce roman et essai passionnant tente de soigner. Sauvée par Proust et ses écrits, l’auteure immerge le lecteur non seulement dans les arcanes de sa famille qui remonte à Charlemagne mais aussi dans celles, qui pour beaucoup paraissent insurmontables, de La Recherche.
Imaginé un peu comme une correspondance entre elle et son écrivain fétiche, entre son statut social et celui des personnages qu’il cisèle à merveille, Proust, roman familial se lit avec une belle gourmandise. Merveilleux tant dans l’analyse que dans ce qu’il dévoile de l’essayiste, de sa lucidité et de sa réflexion introspective, il invite à pénétrer chez Proust autant que chez les Murat par la petite porte. Tout simplement intelligent et savoureux !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Proust, roman familial de Laure Murat
éditions Robert Laffont
256 pages
Prix conseillé 20 euros