Maylis Besserie ©vFrancesca Mantovani, Éditions Gallimard
Maylis Besserie ©vFrancesca Mantovani, Éditions Gallimard

La nourrice de Francis Bacon, au plus près de l’âme tourmentée du peintre

Après s’être intéressée à Beckett et Yeats, Maylis Besserie esquisse le portrait en creux d’un autre grand artiste irlandais à travers le regard tendre de sa « Nanny ». 

Née des Cornouailles dans une famille de paysans, Jessie Lightfoot débarque, par un beau matin, chez les Bacon en Irlande pour s’occuper des enfants : trois garçons et deux fillettes. Bien que protestante en terre catholique, la jeune femme s’acclimate à merveille dans ce nouvel univers régenté par un père violent, militaire de carrière, et une mère, plutôt effacée qui ne s’intéresse qu’à tenir son rang. Il faut dire que la jeune femme à la passion des enfants et tout particulièrement du petit Francis. Un être tout simplement merveilleux, un drôle pas comme les autres, comme elle aime à le répéter.

Entre les deux, il y a comme une évidence. À la vie, à la mort, un lien inaltérable se noue. Elle lui passe toutes ses toquades, s’inquiète de ses frasques et l’accepte tel qu’il est, même si elle n’en pense pas moins. Mais surtout, lucide, elle comprend tout de suite la flamme unique qui brûle au plus profond de son cœur et de son âme. Aux côtés de l’enfant asthmatique, battu jusqu’au sang par les palefreniers de son géniteur car trop sensible au charme masculin, du jeune homme qui découvre l’art de peindre et de l’artiste écorché qui, pas à pas, devient un des artistes les plus côtés du XXe siècle, Jessie Lightfoot est le témoin privilégié et intime de la naissance d’un talent, d’une ascension brûlante, incandescente et vertigineuse. 

Avec gouaille, Maylis Besserie donne vie au franc parler de la nourrice qui jusqu’à sa mort veilla sur Francis Bacon et ses multiples démons. À travers ses yeux, c’est bien plus l’homme que l’artiste qui fait jour. Torturé, en quête de souffre, l’enfant chétif engendre un adolescent flamboyant qui refuse toute contrainte et séduit tous ceux qui l’approchent. Fasciné par les étals de boucher, par le rouge brun de la viande, il construit un univers dérangeant à nul autre pareil fait de corps déformés, de chair à vif,et d’êtres transcendés par la douleur. Lumineux autant que sombre, La Nourrice de Francis Bacon transporte au plus près du peintre et de ses tourments. De sa plume imagée, troublante, l’autrice imprime dans la rétine des lecteurs des images sidérantes de vie où le beau, le laid, l’orgiaque et le banal s’entremêlent et se conjuguent. Sidérant ! 


La Nourrice de Francis Bacon de Maylis Besserie
Éditions Gallimard
256 pages
Prix conseillé 20 euros

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