Benjamin Egner © Cédric Vasnier
© Cédric Vasnier

Benjamin Egner, un homme de cœur à l’esprit de troupe

Après avoir commencé sa carrière dans la troupe d’Emmanuel Demarcy Mota, le comédien a connu une belle carrière dans le théâtre privé et à la télévision. À l’affiche du remarquable spectacle d’Éric Bu, "La Voix d’or", au Théâtre La Bruyère, il revient sur sa passion du théâtre.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
D’aussi loin que je m’en souvienne, mon premier souvenir fort est sans doute Cyrano de Bergerac mis en scène par Jérôme Savary au Théâtre Mogador, avec Jacques Weber dans le rôle-titre. À l’âge de onze ans, non seulement je découvrais la beauté et la puissance de ce texte sublime, mais j’assistais également à une performance surréaliste où Weber, ayant perdu sa voix à force de représentations éprouvantes, jouait sa partition comme si sa vie en dépendait ! J’étais au quinzième rang, mais je recevais tout avec une émotion qui m’a bouleversé ce jour-là. Weber était sublime de courage et d’abnégation. La mort de Cyrano avec cette voix brisée et agonisante, c’était prodigieux !

La voix d'or - Benjamin Egner - Marc Citti © Frédérique Toulet
Avec Marc Citti dans « La voix d’or » texte et mise en scène d’Eric Bu © Frédérique Toulet

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Mes parents étaient de grands cinéphiles, et très tôt, on allait en famille avec mes frères admirer des acteurs et actrices qui m’ont fait rêver : Belmondo, Ventura, Montand, Adjani, Dewaere ou Depardieu, sans oublier les Américains, Dustin Hoffmann, Pacino, De Niro, Nicholson. J’aimais beaucoup faire rire mes camarades à l’école, et à quinze ans, ma mère m’a proposé d’assister à un cours d’art dramatique à la MLC de mon quartier. J’ai tout de suite adoré ! La camaraderie, l’improvisation, l’imaginaire et la liberté que le théâtre me procurait… J’étais conquis.

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
Je ne viens pas d’un milieu artistique, même si mes parents étaient très passionnés par les artistes… Mon père avait très peur que j’embrasse une carrière de comédien, il me disait que c’était trop dur, trop aléatoire. Mais ces ateliers que j’avais suivis pendant mon adolescence avaient inoculé un virus qui ne voulait plus partir ! Je me suis inscrit à la faculté à Paris pour rassurer mon père tout en suivant des cours de théâtre… Au bout de trois ans, même si j’avais peur, j’ai fait le grand saut !

Le repas des fauves - Julien Sibre © Fabienne Rappeneau
Avec Olivier Bouana, Stéphanie Caillol et Sébastien Desjours dans « Le repas des fauves » texte et mise en scène de Julien Sibre (2023) © Fabienne Rappeneau

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
En sortant de l’École Claude Mathieu, j’ai fait une tournée jeune public avec Les Fourberies de Scapin. Je me souviens d’une représentation à neuf heures du matin devant cinq cent gamins. C’était épique ! Le bruit qu’ils faisaient devait s’approcher de celui d’un Boeing au décollage… Je n’ai jamais autant hurlé que ce jour-là. Mais c’était le métier qui rentrait !

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Ma première grande aventure théâtrale fut sans aucun doute Peines d’amour perdues de Shakespeare au Théâtre de la Ville, mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota. C’est un grand souvenir ! Tout était réuni : la sublime traduction de François Regnault, la scénographie incroyable d’Yves Collet avec cette scène couverte de sable, et cette distribution magique avec entre autres la divine Elsa Lepoivre, Valérie Dashwood et Fabrice Melquiot. Cerise sur le gâteau, j’ai décroché le rôle principal, Lord Byron, un personnage solaire et torturé à la fois. Un régal à interpréter !

Badine de Musset. Mise en scène de Salomé Villiers - Benjamin Egner © Cédric Vasnier
Avec Delphine Depardieu et Milena Marinelli dans « On ne badine pas avec l’amour » de Musset, mis en scène par Salomé Villiers (2021) © Cédric Vasnier

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Avec mon grand âge, j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup d’artistes fabuleux dans ma carrière, mais si je devais n’en choisir qu’un, ce serait incontestablement Michel Bouquet. Cet homme était le théâtre à lui tout seul. Je n’oublierai jamais sa façon de me regarder et de m’écouter sur scène… L’intensité qu’il mettait dans chaque mot qu’il prononçait, la puissance de ses silences et le dévouement qu’il avait pour son métier… J’ai une admiration sans bornes pour cet homme. Il me disait toujours « un grand acteur, c’est d’abord un acteur qui écoute son partenaire… » Je n’oublierai jamais !

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je ne sais pas si mon métier est essentiel à mon équilibre, mais il me nourrit énormément en tant qu’homme… Dans cette profession, j’aime par-dessus tout le phénomène de troupe, le travail collectif où chacun est au service de l’autre… S’il est fait avec amour, il développe des valeurs humaines qui me sont essentielles comme le respect, la camaraderie et la rigueur !

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Avec Laure Pester (Laurie) dans « Pygmalion » de Georges Bernard Shaw, mis en scène de Ned Grujic (2016) © Laurencine Lot

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Beaucoup de choses m’inspirent… Les grands auteurs bien sûr, mais aussi la musique, la peinture, le sport… Je regardais les jeux olympiques cet été et je trouvais qu’il y avait souvent une puissance dramatique chez tous ces athlètes qui vont au bout d’eux-mêmes… C’est magnifique et très enrichissant !

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Pour moi, la scène est un terrain de jeu, comme pour un enfant ou un sportif… Le rapport à l’enfance est primordial pour moi… J’essaie de garder cette fraîcheur et cet enthousiasme que j’avais quand je jouais à l’aventurier dans mon jardin quand j’étais gamin.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Il y a plein d’artistes avec qui j’aimerais travailler… J’adore l’écriture de Côme de Bellescize, d’Élodie Menant, de Léonore Confino… Et puis Pommerat bien sûr, Wajdi Mouawad… J’en oublie sûrement !

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’adorerais jouer un Tchekhov, Platonov ou Ivanov… J’aime le souffle de cet auteur, ses personnages si profondément humains et désespérés… J’adore la mélancolie et la poésie de cet homme, son rapport avec la vie, sa violence.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
C’est difficile de trouver une œuvre qui nous ressemble… Encore faut-il se connaître soi-même. J’aime profondément Littoral de Wajdi Mouawad, ce parcours initiatique suite à la perte d’un être cher : cela résonne fortement chez moi. J’adore aussi Musset. On ne badine pas avec l’amour, tout est dit dans cette pièce… Vivre sa vie intensément, passionnément, douloureusement, aller voir, quitte à se tromper… Et aimer, encore et toujours !


La voix d’or, spectacle musical d’Eric Bu, écrit avec Thibaud Houdinière.
Théâtre Actuel La Bruyère
5 rue La Bruyère
75009 Paris
Du 30 août au 30 décembre 2024
Durée 1h25.

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