Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Enfant, je vivais en banlieue parisienne et ma mère m’emmenait très souvent au théâtre — jamais au cinéma, parce qu’on avait la télé ! Mais mon premier souvenir d’art vivant est un spectacle de marionnette qui s’était joué dans mon école maternelle. J’avais eu peur. Dans mon souvenir, l’histoire était sombre et les marionnettes accentuaient cet effet. J’en ai rêvé longtemps.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je suis de l’époque d’Au théâtre ce soir, émission où se jouaient des pièces en direct. Et un soir, je devais avoir huit, neuf ans, j’ai vu Les deux timides de Labiche avec Jean Le Poulain et Francis Perrin. La fameuse scène où, n’osant pas dire non par timidité, ils remettent des sucres dans leur thé jusqu’à le rendre imbuvable. Je riais, la salle aussi, c’était assez clownesque, et je me souviens très bien avoir dit : « C’est ça que je veux faire ! »
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Je ne sais pas vraiment si c’est un choix, j’ai toujours pensé que c’était une vocation. Difficile d’y échapper.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Un spectacle de fin d’année à l’école élémentaire. J’ai un solo sur L’école est finie de Sheila, et au dernier moment, on me le supprime — « il fallait couper, c’était trop long », j’ai entendu cette phrase par la suite sur bien des spectacles auxquels j’ai participé. Vexée, j’ai redoublé de voix et de mouvements sur la chanson de groupe Si j’étais président de Gérard Lenorman ! Ce n’était pas très glorieux.
Votre plus grand coup de cœur scénique – une pièce, une équipe, une personne, plusieurs personnes ?
Je vais tout le temps au théâtre, alors des coups de cœur, j’en ai plein. Allez, je vais citer Neige de Pauline Bureau à la Colline, c’était magique.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Je joue actuellement dans Et pourtant j’ai besoin d’amour, conçu et mis en scène par l’homme que j’aime, et nous portons ensemble ce spectacle, alors forcément, la rencontre, elle est là. Mais au-delà, je travaille souvent avec mes ami·e·s, actrices, acteurs, metteurs et metteuses en scène, autrices et auteurs. Ces rencontres, je les avais faites la plupart du temps avant que nous ne soyons ensemble sur un spectacle. Alors tout à coup, découvrir dans l’aventure théâtrale que les gens qu’on aime sont aussi les artistes qu’on aime, c’est toujours un grand frisson.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
C’est à la fois une vocation, une drogue et un sacerdoce, alors parler d’équilibre dans ces conditions, c’est compliqué. Je vais citer Chaplin, parce que ce sont des mots en lesquels je crois profondément : « Le théâtre soutient l’âme ».
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les histoires des autres, de celles et ceux que je rencontre partout, dans des lieux et milieux très différents, et qui me font assez confiance pour partager des morceaux de leur vie. J’adore les histoires.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Il est très simple. C’est une maison où il y a des règles et aussi beaucoup de libertés, c’est sacré et familier en même temps. Je ne me pose pas la question de la légitimité, de toute façon c’est trop tard : la pièce commence, il faut la jouer. On vit au temps présent dans un présent qui n’existe que pour nous et les spectateurs. C’est assez jubilatoire.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Si on considère que c’est la tête qui mène le corps, alors c’est le cerveau droit (le côté de la création et de l’imagination). Mais si on considère l’inverse, que le corps dirige le cerveau, alors c’est forcément le ventre, et pour être plus précise, le bas-ventre.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
La troupe du TNP, Le Birgit ensemble, Jean-Christophe Dollé, …
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’aimerais qu’il y ait un festival autour de l’art d’être acteur, nécessairement pluridisciplinaire et international, où l’on partage notre savoir-faire, nos esthétiques, et où on brise les chapelles. Je suis sûre que ce serait très joyeux.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Le sourire des ailes flamboyantes de Joan Miro.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Et pourtant j’ai besoin d’amour – des hommes ont écrit à Menie Grégoire, conception et mise en scène d’Étienne Coquereau.
Festival Off Avignon 2024
L’Artéphile
5 bis – 5 rue du Bourg Neuf
84000 Avignon.
Du 3 au 21 juillet 2024 à 17h30, relâche les mardis.
Durée 1h25.