OUVERTURE de Géraldine Chollet © Pierre Vogel
OUVERTURE de Géraldine Chollet © Pierre Vogel

Sélection suisse en Avignon : danse extérieure, danse intérieure

Pour sa huitième année d'existence, la Sélection suisse en Avignon continuait d'arborer ses couleurs singulières à l'intérieur du Off, dévoilant deux chorégraphes : Géraldine Chollet et Tiran Willemse.

Lancée en 2016 par Corodis, la commission de diffusion d’art vivant en Suisse romande, et Pro Helvetia, fondation suisse pour la culture, la Sélection suisse en Avignon s’est peu à peu démarquée au sein du Off comme un label fiable de programmation, notamment du côté de la danse, de la performance et des esthétiques contemporaines. Le soft power de la scène suisse dans le paysage hexagonal s’est en partie renforcé par son action. Cette année, la Sélection, dirigée depuis 2022 par Esther Welger-Barboza, n’a pas dérogé à la règle, ouverte sur le renouvellement des formes, même si le beau doublé qui a eu lieu l’année dernière avec deux grandes secousses esthétiques, Cécile de Marion Duval et Clashes Licking de Catol Teixeira, ne s’est pas reproduit.

OUVERTURE de Géraldine Chollet © Pierre Vogel
OUVERTURE de Géraldine Chollet © Pierre Vogel

Disséminée dans la programmation de plusieurs lieux de la cité des Papes, la sélection invitait une fois encore, avec OUVERTURE de Géraldine Chollet, à s’aventurer dans la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Entre chien et loup, des entremetteurs très zen (dont la chorégraphe elle-même) nous accueillent dans le magnifique cloître, nous invitent à nous délester de nos sacs et à entamer une procession collective, en cerles, sur l’herbe. Serions-nous les danseurs ?

Nous faisons corps ensemble avant que quatre éléments se détachent du groupe. Révélés, les danseurs (Mélissa Guex, Eléonore Heiniger, Bast Hippocrate et David Zagari) se mettent à travailler avec et contre le mouvement de la marche, marquent des ralentissements ou des pauses, occupent l’intérieur du cercle dans des pas de quatre de plus en plus énergiques. Il est rare d’être aussi proche des danseurs, encore plus d’accompagner ainsi la danse.

Son geste final mis à part, cette tentative d’un rituel nouveau parvient à se détacher d’une esthétique new age tout en travaillant le spirituel (des fantômes se balandent dans les coursives) et l’abandon collectif. À mesure que la marche s’installe dans la durée, la danse gagne en puissance. Naît ainsi le sentiment d’un partage privilégié avec quatre beaux interprètes. Point culminant : les belles embardées que les danseurs effectuent à rebours des marcheurs, la course se frayant un chemin entre nous.

Untitled (nostalgia, act 3) de Tiran Willemse © Ben Zurbriggen Fotografie ben-zurbriggen
Untitled (nostalgia, act 3) de Tiran Willemse © Ben Zurbriggen Fotografie ben-zurbriggen

Intra-muros, aux Hivernales, la silhouette longiligne et les gestes délicats, Tiran Willemse entre en scène avec une grâce infinie. Crâne rasé, tee-shirt à l’envers, il explore l’espace vide qui l’entoure. Un pas sur le côté, une arabesque, une pirouette puis un saut en arrière, il danse comme si c’était vital, nécessaire à son équilibre sans se soucier du monde autour. Poursuivant un travail quasiment introspectif, l’artiste basé à Zürich déploie une écriture précise et exigeante qui navigue et hybride sans cesse danse classique et contemporaine. 

Sur son visage, des sentiments contraires se peignent irriguant une belle et douce folie sa gestuelle. Toujours en mouvement, virevoltant, sautant, il marche dans les pas de Gisele de Jean Coralli et Jules Perrot pour mieux l’amener vers d’autres contrées, celles de son enfance notamment en Afrique du Sud. Même s’il ne semble danser que pour lui, il se dégage de chacun mouvement une belle intensité. Hypnotique autant que virtuose, Tiran Willemse entraîne le spectateur au plus profond de son être, de sa folie, de ses doutes, de ses joies presque enfantines. 

Découvert dans le cadre du Festival Programme Commun, le danseur et chorégraphe, qui s’est formé entre autres à P.A.R.T.S, l’école bruxelloise d’Anne Teresa de Keersmaeker et à la Haute école des arts de Bern, se laisse emporter par sa propre griserie. Après s’être renversé de l’eau sur le corps, il met nu son corps et son âme. Désinhibant son geste, traversé par la musique très électro de Tobias Koch, il fascine en dévoilant une intimité troublante tout en tenant le public à distance. Avec Untitled (Nostalgia, Act 3), œuvre déroutante, Tiran Willemse affirme un geste et révèle toute la virtuosité de son art. Détonnant ! 


OUVERTURE de Géraldine Chollet
Festival off Avignon
Sélection suisse
La Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon
58 rue de la République
30404 Villeneuve les Avignon Cedex

Durée 1h10


Direction artistique, chorégraphie (en collaboration avec les danseur·euses), chant Géraldine Chollet
Danseur·euses Mélissa Guex, Eléonore Heiniger, Bast Hippocrate et David Zagari
Assistanat, responsable extras Trân Tran
Scénographie et création lumière Sven Kreter
Création sonore Renée Van Trier
Composition sonore et régie son Raphaël Raccuia
Direction technique Celine Ribeiro
Costumes Scilla Ilardo
Production et diffusion Maxine Devaud / oh la la – performing arts production
Remerciements pour leur participation Martine Vial, Marion Moreul, Ari Soto, Tabatha Longdoz, Sylvain Bouvier, Marie-Pierre Stoppani, Magali Mazars Veille, Audrey Goukassian, Sylvie Mary, Florence Garot, Michel Pitino, Florence Ancelly

Untitled (nostalgia, act 3) de Tiran Willemse
Festival off Avignon
Sélection suisse
Les Hivernales
Rue Guillaume Puy 
84000 Avignon
Durée 50 min

Conception et performance de Tiran Willemse 
Dramaturgie d’Andros Zins-Browne 
Musique de Tobias Koch 
Conseil chorégraphique – Laurent Chétouane 
Création lumières de Fudetani Ryoya

Teaser de Untitled (nostalgia, act 3) de Tiran Willemse © Sélection suisse

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