Du jour au lendemain, elle n’a entendu qu’un cliquetis métallique et bientôt, plus rien. Cette histoire, c’est celle d’une psychanalyste qui voit sa vie professionnelle et familiale basculer sans raison apparente. Derrière tous les ajustements pratiques qu’il faut imaginer, Louve Reiniche-Larroche s’attarde sur les émotions de son entourage. Le choc, d’abord. La douleur, ensuite. Le rire aussi qui s’immisce là où on ne l’attend pas.
Dans un ce petit appartement calfeutré, la comédienne convoque tour à tour son grand-père, sa grand-mère, son frère, sa belle-sœur, sa nièce et sa mère, enfin. Armée d’un enregistreur, la comédienne trouve de la théâtralité chez ses proches. Une fois sur scène, l’enregistreur est toujours là mais il n’y a plus de proches. Simplement des personnages.
Cacher les visages
Véritable caméléon, Louve Reiniche-Larroche brille dans un jeu très physique qui trahit un sens de l’observation aiguisé. Gentiment moqués, les gestes parasites et autres tics de langage donnent chair à ces personnages qui tirent doucement vers l’archétype pour donner à la pièce une dimension symbolique.
À cette création son léchée de Jonathan Lefevre-Reich (la pièce se décline d’ailleurs en podcast), s’ajoute en effet une création lumière de Louise Rustan qui cristallise à elle seule les émotions des personnages. Perdu dans la fumée de sa cigarette, le frère apparaît mystérieux quand sa femme éplorée, est parée d’un étonnant masque de mouchoirs.
Si le dispositif, imaginé par Tal Reuveny, peut étonner, il n’est pourtant que l’aboutissement de la logique du spectacle : donner à entendre ce qui pourrait disparaître. Il y a en effet quelque chose de précieux dans ces maladresses, ces doutes, ces hésitations qu’on nous fait percevoir. Cacher les visages, c’est sacraliser la parole. Cacher les visages, c’est faire jouer le corps, le décor. Le rationnel s’efface et on ressent finalement ce trouble qui les a unis. Rien de tel qu’un jeu d’ombre pour éclairer l’invisible.
Mathis Grosos – Envoyé spécial à Avignon
Sans faire de bruit de Tal Reuveny et de Louve Reiniche-Larroche
Festival off Avignon
Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul Sain
84000 Avignon
du 3 au 21 juillet 2024 à 12h10 – relâches les 8 et 15 juillet 2024
durée 1h
avec Louve Reiniche-Larroche
Mise en scène de Tal Reuveny
Création sonore – Jonathan Lefèvre-Reich
Scénographie de Goni Shifron
Création lumière de Louise Rustan
Création d’objets de Doriane Ayxandri